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Jeux d'influence entre des marionnettes et une sacrée Fanfare

Publié le 19.11.2023

C’est à un concert que convie, avec Ouch!, La FanfareduLoup jusqu’au 25 novembre au Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG). Un concert pour petits (dès 7 ans) et grands qui avait été créé en avril dernier à l’Alhambra, déjà dans la perspective de représentations nombreuses sur la bien plus petite scène du TMG. Il s’agit donc d’un concert joyeux dans lequel des marionnettes créés spécifiquement pour l’occasion se mêlent et accompagnent musiciennes et musiciens.


Le concert ne raconte pas une histoire avec un début et une fin, mais se découvre au fil de numéros échevelés ou rêveurs. Porteuse de ce projet original et poétique au nom de la FanfareduLoup, Marie Mercier évoque la curieuse et enivrante aventure qui a amené l’ensemble de musiciens à redécouvrir le voyage que représente la création d’un spectacle, et à découvrir ce qu’il n’avait pas du tout été prévu: de devoir devenir marionnettiste!



Les notes d’intentions de cette rencontre entre la FanfareduLoup et les marionnettes font état de votre goût pour l’«étrange». Comment définiriez-vous cet étrange-là?

Marie Mercier. Ce que j’aime en général dans la vie, c’est l’inattendu. Voir, être témoin de situations qui sortent de l’ordinaire, que l’on ne peut pas expliquer ni comprendre totalement: ces événements font bouger quelque chose dans ma tête, éveillent en moi d’autres sensations.


Et dans le monde du spectacle, c’est quelque chose que je ressens immédiatement avec les marionnettes: objets inanimés qui soudain prennent vie. Je suis chaque fois prise par cette dualité.




Avec Ouch!, quel est le changement recherché par rapport à un concert «classique» de la FanfareduLoup?

C’est un peu une évidence: amener un supplément de mobilité à un ensemble qui brasse de larges territoires musicaux. Mais qui, sur scène, reste globalement statique. Quand j’ai intégré la Fanfare il y a trois ans, j’ai immédiatement réalisé qu’elle recelait un potentiel incroyable, et pouvait ouvrir sur d’énormes terrains de jeu. Chacun peut rêver en grand, il sera soutenu!

Mon projet a été reçu avec enthousiasme par le collectif. Il ramenait les musiciens à des formes de spectacles qu’ils ont pratiquées par le passé, mais pas ces dernières années.

Avant de rejoindre la FanfareduLoup, votre cursus est très orienté vers la musique classique. Aurions nous raté quelques marionnettes entre les lignes?

Non. J’ai suivi une formation classique, tout en ayant toujours très envie de toucher à tout. Et notamment à la marionnette et au cirque, qui peuvent avoir en commun de susciter des moments de très grandes émotions, ou du plus haut comique, avec très peu de moyens.


Mon entrée dans le monde de la marionnette s’est concrétisée lorsque que j’ai suivi un Master en pédagogie. Plutôt que me focaliser que sur la musique classique, j’ai notamment choisi de pousser les portes d'autres domaines de la scène, dont un atelier de théâtre d’objets, dans lequel j’ai fait la connaissance de Chine Curchod (créatrice bien connue des spectateurs du TMG, avec notamment la création Petitpas et moi, à l’affiche cette saison*.) Et pour faire court, comme elle avait plusieurs projets en cours, elle m’a mise en contact avec Cécile Chevalier, de la Cie Tête-dans-le-sac-marionnettes





Est-ce le détonateur du spectacle?

Il faudrait dresser une liste de rencontres, d’envies, de personnes qui se sont mises à réfléchir à ce qui est devenu ce spectacle. Mais cet atelier et cette rencontre avec  Chine en font partie.

Il y a eu de nombreuses discussions autour d’un spectacle musical avec marionnettes mais sans narration. Ouch! ne raconte pas une histoire avec un début et une fin, même si on peut retrouver ici ou là des connexions, et où le public peut se raconter des histoires de son côté. La recherche a davantage porté sur l’émotion que les marionnettes pouvaient apporter à la musique... Et sur les musiques qui peuvent favoriser l’expression des marionnettes. Il n’y en a pas un qui soit expressément au service de l’autre.

Comment sont nés les numéros, les saynètes?

Il y a des numéros nés de nos premiers essais. Typiquement celui avec les vêtements-marionnettes. A partir d’une simple trame, nous avons vu que cela fonctionnait très bien du point de vue de l’énergie, comme cela se produit lors d’une création musicale semi-improvisée

Les morceaux sont des compositions des membres de la FanfareduLoup. Quand leurs créations sont-elles intervenues dans l’historique du projet?

Il faut savoir que tout le monde peut composer. J’avais donc préparé une liste avec des notes d’intention telles que «Un choeur de cuivre», «Une musique frénétique», «Un danse pour grand pantin». J’avais mentionné qu’il fallait des morceaux pour petits et grands ensembles. Il fallait aussi que les morceaux ne soient pas achevés, que nous puissions travailler avec des «modules» A, B, C… comme avec des legos.


C’est un mode de travail usuel?

Ce n’est pas inédit pour la FanfareduLoup. Mais les derniers spectacles étaient conçus sur partition d’un bout à l’autre - avec des plages de répétition. Là nous partions avec une matière musicale adaptable.

Nous avons eu une première série de répétitions en janvier pour une création à l’Alhambra en avril. Cela avait aussi été l’occasion d’essayer - et de jouer - avec les premiers prototypes de masques.

C’est une chose de dire pouvoir jouer les yeux fermés, ensuite il faut le faire.

Voilà. Et c’est la première fois que je me suis retrouvé dans le noir sous un chapeau tuyau de poêle… et c'est encore pire pour la princesse qui ne voit que par une petite narine! (rire)






Comment aborde-t-on ce mode de création progressif?

L’ensemble était content de retrouver cette manière de procéder, par laquelle chaque morceau chaque scène peut prendre une direction ou une autre au gré des initiatives des uns et des autres. Et au final, il y a une musique très variée.

J’avais proposé d’interpréter un morceau de musique classique qui soit transformable - cela se concrétise avec un thème de Lully qui est repris avec une citation de Georgia Is on My Mind de Ray Charles au saxophone! Les morceaux se calibraient ainsi en fonction des numéros.

Particularité du spectacle, les musiciens manipulent les marionnettes. N’était-il pas plus raisonnable de faire appel à des marionnettistes?

C’était ma première intention. Jamais je n’aurais pensé que c’était faisable autrement. Mais ce sont nos coaches marionnettistes qui nous ont poussés progressivement dans cette direction. Ils trouvaient plus intéressant de tabler sur le naturel de non-professionnels.

Le sens du rythme mène à tout.

Et on le travaille! Nous avons même des marionnettes qui se manipulent avec des fils, un numéro de danseuse que l’on manipule à plusieurs… Le spectacle compte une demi-douzaine de marionnettes.

Comment est-ce que les pièces du puzzle se sont-elles assemblées?

En janvier, nous avions réalisé des tests en improvisation totale. Cela nous avait donné des indications sur ce qui était possible et sur ce qui ne fonctionnait pas - comme par exemple faire jouer des instruments directement par les marionnettes.

Dans la mise en place, le rapport avec les trois coaches marionnettistes était le même qu’entre les musiciens de la FanfareduLoup, Toute proposition peut être bonne, toute proposition est prise en compte. Mais on ne peut pas tout faire. Quand nous avons entamé la résidence de deux semaines en avril, nous avions des musiques pas structurées et encore moins orchestrées. Il y avait énormément de travail, mais tout le monde a été très fort en proposition, disponible pour réfléchir aux idées et aux illuminations des unes et des autres. Rétrospectivement, ce qui a été réalisé pendant ces 15 jours est impressionnant.


Un mot sur l’apport des marionnettistes-conseils?

Ils nous ont mis en scène, nous ont fait répéter, et ont fait preuve d’une grande force de proposition, bref, c’est un travail de création. En symbiose avec eux pour écrire la trame, nous avons mis en place l’ordre des scènes, les mises en scène et les enchaînements. Typiquement, ils nous ont fait découvrir que les ouvertures de rideaux, auxquelles nous ne pensions pas au préalable, s’avèrent fondamentales.

Un conseil pour les spectateurs et spectatrices?

Chaque scène porte en elle son petit monde, et cela s’enchaîne comme dans un rêve: il faut se laisser porter.


Propos recueillis par Vincent Borcard


Ouch!

Jusqu’au 25 novembre au Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG)


De et avec la FanfareduLoup
Marie Mercier, soucieuse (directrice de projet dans le jargon de la fanfareduLoup!)
Cécile Chevalier, construction des marionnettes
Cécile Chevalier, Maud Faucherre et Franck Fedele, co-écriture a plateau, co-mise en jeu et aide à la manipulation
Flore Marvaud, lumières, reprises par Philippe Dunant

Informations, réservations:
https://www.marionnettes.ch/spectacle/ouch


*Petitpas et Moi, Un spectacle des compagnies Chamar Bell Clochette et Mafalda, à découvrir du 28 février au 10 mars 2024 au TMG

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