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Pour le plaisir de dormir debout

Publié le 28.10.2019

 

Du 1er au 10 novembre, le Loup se prépare à dormir d’un sommeil agité. La Compagnie des 3 points de suspension propose avec Squash de se mettre en quête de subconscient. Chaque soir un innocent spectateur sera plongé dans le sommeil. Chacun pourra suivre en direct l’évolution de son encéphalogramme. Et la troupe mettra en scène ses rêves et ses secrets. Tout ceci sera possible grâce aux plus récentes découvertes de la science, dûment étudiées, digérées et intégrées par les 3 points de suspension.

Ce projet théâtral expérimental se propose également d’agir sur le travail des songes. Tout comme la méditation et d’autres techniques de quête de bien être, Squash s’intéresse à la pleine conscience. Certains de ses protagonistes tenteront d’agir sur le sommeil du sujet endormi afin d’accroître le rendement de ses états de veille.

Ce n’est pas simple, mais le metteur en scène Nicolas Chapoulier l’explique très bien.

 

 

 

Squash est le deuxième spectacle dans lequel vous abordez le subconscient.

Looking for paradise, que nous avions joué au Loup, traitait déjà de l’inconscient, mais de l’inconscient collectif. Avec Squash, qui focalise sur le sommeil et les rêves, nous sommes davantage dans la voix royale qui mène à l’inconscient – selon l’expression de Freud.

 

 

Est-ce un spectacle savant?

Nous avons fait des recherches, rencontrés des neurobiologistes, des spécialistes du sommeil. Curieusement, cela nous a amené à constater que l’inconscient reste une grande croyance collective. Les neurologues n’ont toujours pas trouvé le moyen de le rencontrer, et l’approche psychanalytique est encore très romantique. Pour nous qui aimons jouer avec les croyances collectives, appréhendées comme de grands fourre-tout, c’est très intéressant. Où est l’inconscient, dans quel cycle du sommeil? Il y a beaucoup d’inconnues, de mystères, qui se prêtent très bien au jeu.

 

Donc les points de contact entre votre spectacle et un numéro spécial de Sciences et Vie sur le sommeil...

Le plus tangible est que beaucoup de neurologues disent qu’on ne comprend pas mieux le cerveau que l’univers. Nous avons envie de jouer avec cette imprécision. L’axe que nous avons privilégié, c’est plutôt notre rapport au conscient et notre consommation de conscient. Car il y a un marché du conscient. De plus en plus de techniques et de disciplines – bien-être, médiation, spa - sont proposées pour être constamment conscient. Il y a des techniques pour dormir moins, pour gratter sur cette espace de sommeil qui s’accapare un tiers de notre vie. Dormir en moyenne huit heures pendant nonante ans, c’est trente ans de sommeil.

 

Vous mettez en relief les menaces qui planent sur le sommeil?

Nous jouons de manière ironique la récupération d’une partie de ce temps de sommeil pour le rendre utile. Mais évidemment, le subconscient ne se laisse pas faire, ce qui contribue à pouvoir définir notre spectacle comme un divertissement pour subconscient.

 

 

Comment procédez-vous, quel déroulé privilégiez-vous?

La première partie est constituée comme une sorte de conférence, sur le mode «start up nation», dont le thème serait: Comment rentabiliser le sommeil. Ensuite, nous passons aux exercices pratiques, en accompagnant un spectateur volontaire dans un cycle de sommeil complet. Nous proposons du fitness, du coaching pour inconscient, afin de le booster et de le rendre plus performant, plus bankable.

 

Le fil du spectacle demeure l’enchaînement des cycles du sommeil.

L’électroencéphalogramme de la personne endormie sera l’horloge de la narration. C’est pour cela de que le dormeur est en EEG, sous-verre. Les ondes nous indiquent si on est en sommeil long-léger, en sommeil profond ou en sommeil paradoxal. Des scènes peuvent se prolonger en fonction des particularités du sommeil du spectateur endormi.

 

Les photos des répétitions laissent entrevoir des représentations très colorées..

Oui, et c’est un régal de mise en scène que de jouer avec les grandes figures du sommeil. Les forets de l’inconscient… C’est un peu technique, mais cela nous a amené à travailler sur les modes narratifs, en fonction des types de sommeils. Il arrive que tous les personnages qui évoluent sur scène sont, de fait, la personne qui dort. Cela nous a poussé à jouer sur la postsynchronisation: un comédien fait toutes les voix de tous les personnages. Cela donnes des sensations très étranges.

 

Chaque type de sommeil révélera un autre univers?

Oui, nous suivons l’agenda du dormeur. Nous lui chantons une berceuse, puis on va le profiler, le mettre à mort plusieurs fois, puisque chaque cycle du sommeil correspond à une mise à mort du moi présent sur scène. Nous allons aussi mettre en situation de burn-out la charge affective de son quotidien dans le sommeil profond – ce sont des choses que nous avons appris au centre de neurologie de Genève.
Ce sont en réalité plutôt des méthodologies que nous avons fictionnalisé, une sorte de technique neuro-théâtrale inspirée de beaucoup d'écrits scientifique...

 

Comment des gens de théâtre investissent-ils le monde de la recherche?

Les sciences et en particulier la neurologie sont en recherche, comme nous. Il y a comme des échos entre les deux pratiques. Il est intéressant de voir comment la science produit des vérités. Les neurosciences sont très sexy, il y a beaucoup d’attentes sur les secrets du cerveau. Nous avons visité des laboratoires, participé à des expériences. Mais au final, on s’en détache.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Squash, du 1er au 10 novembre au Théâtre du Loup
Mise en scène, Nicolas Chapoulier

Avec Etienne Sublet, Beau Anobile, Janju Bonzon, Antoine Frammery, Franck Serpinet, Paul Courlet
 

Informations, réservations:
https://theatreduloup.ch

 

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