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Une demi-saison de folie

Publié le 07.10.2019

 

Les Amis musiquethéâtre ont lancé leur (demi-)saison. Une douzaine de propositions sont au programme, dont deux créations théâtrales. A voir jusqu’au 20 octobre, Est-ce que les fous jouent-ils? permet de découvrir et de redécouvrir Michel Viala, disparu en 2013. Incarnation genevoise du poète-anarchiste, le personnage est surtout un auteur très apprécié, que la directrice Françoise Courvoisier avait déjà programmé plusieurs fois, il y a quelques années au Poche. Ce n’est pas sans émotion qu’elle a invité Philippe Lüscher à mettre en scène une «histoire de fous» en guise de porte d’entrée pour les univers de Michel Viala. Autre création à la fin de l’automne, Le Corps infini, de René Zahnd, du 27 novembre au 15 décembre. Ce texte mettra en place le télescopage d’un conflit humain majeur et d’une crise de couple, dans le décor propre à l’humour grinçant d’une chambre d’hôpital.

Pour en savoir plus, il faudra se déplacer aux Amis musiquethéâtre de Carouge. Et pour commencer, se laisser gagner par l’enthousiasme de Françoise Courvoisier.

 

 

Michel Viala, disparu en 2013, a laissé une empreinte importante à Genève. Dans votre cas, comment l’avez-vous découvert?

Je le voyais déjà lorsque j’étais jeune comédienne. Mais ce n’est que lorsque j’ai programmé ses pièces au Poche que j’ai appris à le connaître. Les gens l’adoraient, il avait un charisme extraordinaire qui touchait toutes les couches sociales, c’était un vrai bonheur. Je ne sais pas trop comment le dire autrement: les gens l’aimaient. Il était connu comme le loup blanc à Genève, un peu à l’instar de sa consoeur Grisélidis Réal, également peintre et écrivaine.
Son alcoolisme, pleinement assumé, fait qu’il n’a pas pu être comédien très longtemps, mais quand on le revoit dans un film, il est toujours très juste.

 

Quel regard portez-vous sur son écriture?

De l’homme comme de l’artiste se dégage une puissant sentiment de liberté, il était libre dans l’instant présent, dans toutes circonstances. Et on retrouve toujours cette immédiateté dans ses pièces, qu’il fasse parler des fous ou des gens ordinaires. Il y a énormément de fantaisie. Et en même temps, tout est réel, tout est extraordinaire mais possible.

 

Son histoire est-elle essentiellement genevoise?

Il était fier que ses pièces soient montées jusqu’en Allemagne et en Russie. Mais c’est ici que son travail est le plus connu. François Rochaix l’a régulièrement monté au Théâtre de Carouge. J’ai en quelque sorte pris le relais au cours de mes années à la tête du Poche. Je considère ses pièces comme des porte-bonheur. Les comédiens les empoignent, c’est souvent drôle, mais il s’en dégage en même temps une grande mélancolie. Il disait avec générosité et humour la petitesse humaine, il aimait raconter les gens qui ont une vie difficile.

 

 

Pourquoi avoir choisi Est-ce que les fous jouent-ils?

Je l’ai proposée à Philippe Lüscher parce qu’elle n’avait pas été monté depuis Mathusalem. Il m’a tout de suite dit qu’il l’adorait. Il a une grande admiration de longue date pour Viala. Il avait brillamment monté Vacances au Poche. Cela s’est fait aussi simplement que ça… Encore que pour moi, ce texte a l’avantage de placer sept acteurs dans un même lieu. Je n’ai pas besoin de cacher que Les Amis musiquethéâtre ont peu de moyens. Et je préfère que l’argent parte pour les comédiens plutôt que, disons, pour les décors. Est-ce que les fous jouent-ils?, c’est aussi sept beaux rôles pour sept artistes chevronnés.

 

En 2019, vous proposez une demi-douzaine de spectacles, dont une deuxième création, Le Corps infini, de René Zahnd, que vous mettrez vous-même en scène.

Je connais René Zahnd depuis qu’il a travaillé à Vidy. Il m’avait présenté ce texte que je voulais déjà programmer lors de ma dernière année au Poche, mais j’avais eu les yeux plus grands que le ventre, et il a eu la gentillesse de m’attendre trois ans! J’aime beaucoup son écriture, qui a la particularité d’être à l’opposé de celle de Viala. Il est dans une dimension plus «littéraire», voire à certains moments, poétique. En même temps la situation est d’une telle force, qu’on entre sans problème dans les tensions des personnages.

 

Comme Est-ce que les fous jouent-ils, Le Corps infini est un huis-clos. Mais à l’asile d’aliénés, René Zahnd «préfère» l’hôpital.

Nous avons donc une journaliste, qui est hospitalisée après avoir été gravement blessée au cours d’un reportage sur une guerre civile. Son mari, une amie et un ami sont à son chevet. Les quatre sont très proches, complices depuis très longtemps. Et se superposent là, les interrogations que peuvent susciter un conflit majeur et une crise de couple. Zahnd a beaucoup d’humour, et on peut retrouver la violence et le sarcasme d’une Yasmina Reza, sauf que l’action ne se déroule pas dans un intérieur bourgeois, mais dans l’inconfort total d’une chambre d’hôpital. Je n’ai jamais vu ça au théâtre. La situation laisse la place à des conflits domestiques violents tout comme à des pulsions de vie et de tendresse.

 

 

Dans les Amis musiquethéâtre, il y a musique.

Nous avons un très joli programme de Matinées Classiques et de Nocturnes Jazz. Mais je suis aussi très fière de Mysoginie à part. Nous avons connu un énorme succès avec ce spectacle de chansons de Brassens, créé l’année dernière, qui a été repris avec bonheur à Sion et à Yverdon pour quelques représentations, et que nous allons rejouer en novembre prochain aux Amis.


 

Propos recueillis par Vincent Borcard


 

Les Amis musiquethéâtre
Programme, informations, réservations
lesamismusiquetheatre.ch

Est-ce que les fous jouent-ils?, de Michel Viala, jusqu’au 20 octobre
Philippe Lüscher, mise en scène
Avec Julia Batinova, Candice Chauvin, Jef Saintmartin, Jean-Pierre Gos, Christian Gregori, Doris Ittig, Julien Tsongas
 

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