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Ping-pong verbal à l’Orangerie

Publié le 21.08.2015

 


Valentin Rossier a quitté la chemise du polack enfiévré dans Un Tramway nommé désir qui ouvrait sa saison, en juin, au Théâtre de l’Orangerie à Genève. C’est le costume sobre du Chevalier qu’il endosse dans La Seconde Surprise de l’amour de Marivaux, à (re)découvrir du 25 au 29 août, avant Bruxelles où la pièce sera jouée en septembre. Le comédien et metteur en scène évoque avec nous l’affliction profonde dans laquelle est plongé le personnage du « Chevalier », incapable d’avouer ses sentiments pour la belle Marquise interprétée par Marie Druc. Il revient aussi sur le travail de reprise de la pièce, créée l’été dernier.

 

On l’avait laissé à l’ouverture de saison de l’Orangerie, il y a deux mois, dans le rôle de Stanley Kowalski, tenu par Brando dans Un Tramway nommé désir. Aux côtés de la comédienne Anna Pieri, il formait un couple dont la tranquillité était subitement rompue par l’arrivée de Blanche, la sœur de son épouse Stella. On le retrouve toujours dans son théâtre, qu’il dirige pour la quatrième année. Mais cette fois-ci, Valentin Rossier n’est plus en chemise légère ou en marcel dans le rôle du « polack » macho qui séduit Blanche, jouée par Marie Druc, l’étreignant violemment sur quelques marches d’escalier dans la moiteur de la Nouvelle-Orléans si bien révélée par Tennessee Williams.

 

Un amour inavoué

Ici, dans La Seconde Surprise de l’amour, le comédien et metteur en scène remonte les siècles jusqu’à Marivaux. Et en costume sobre. Pas de débordement ni de folie dans cette comédie qui brosse avec subtilité le thème éternel de l’amour si cher au dramaturge français. Mais cet amour qui naît des cendres, si l’on peut dire, n’est pas vraiment un amour ordinaire. Plutôt un amour inavoué, il se cherche et tarde à survenir, freiné par un terrible sentiment d’amour-propre.

 

Malgré leur volonté

« C’est une pièce sur la détresse amoureuse, due à une perte qui n’est pas propre à la volonté de ses protagonistes. La Marquise, elle, est veuve ; le Chevalier déplore l’entrée au couvent d’Angélique, entrée dans les ordres par une volonté paternelle », résume Valentin Rossier qui endosse l’habit du Chevalier face à sa complice Marie Druc en veuve éplorée.

 

Tristesse, souffrance et affliction

Comment dès lors réagir face à l’absence ;et au manque ? « Ce qui est assez particulier, poursuit Valentin Rossier, c’est que le Chevalier aime toujours cette femme car il se sait aussi aimé d’elle. Leur amour n’est pas mort, ce qui rend le Chevalier totalement dépressif et le plonge dans une profonde tristesse, nommée affliction par Marivaux. » La Marquise et le Chevalier se reconnaissent l’un dans l’autre par rapport à cette douleur respective, se comprenant dans la souffrance. D’où la promesse d’une grande amitié, explique le comédien.

 

 

Amitié trahie

Une amitié dont Lisette (Anna Pieri), servante de la Marquise, soupçonne bien vite qu’elle sert de façade, d’autant plus qu’elle se double de celle du comte (Pierre Banderet) qui déclare vouloir épouser la Marquise, suscitant ainsi la jalousie du Chevalier. Trahison ? L’arrivée du comte agit plutôt comme un révélateur de sentiments amoureux qu’aucun des deux ne parvient à formuler, par orgueil.

 

Ping-pong verbal

S’ensuit un véritable imbroglio, alimenté par la complicité des deux valets, Lisette et Lubin (Paulo Dos Santos) et ponctué par l’érudition déconcertante d’Hortensius (José Lillo) chargé d’enseigner les lettres, la morale et la philosophie à la Marquise. Bref, un savoureux ping-pong verbal dont Valentin Rossier, qui s’attaque pour la première fois à Marivaux, fait son miel dans un décor sobre, en extérieur, rappelant que du temps des intrigues de cour au XVIIIème siècle, tout se passait dans les recoins des jardins.

 

 

On réinvente tout ?

En juin 2014, dans ce même Théâtre de l’Orangerie, Valentin Rossier créait la pièce aves ses cinq comédiens. Dans quel état d’esprit se trouve aujourd’hui le metteur en scène et comédien, à l’heure de reprendre ce petit bijou théâtral qui a parcouru ensuite une longue tournée romande ? Réinvente-t-on ou se contente-t-on de reprendre ce qui a été fait ?

 

L’expérience en plus, la tension en moins

On a posé la question au comédien et metteur en scène. C’est d’ailleurs plutôt le metteur en scène qui répond, sans jamais oublier qu’il est aussi comédien. « Ça revient très vite », dit-il. « Grâce aussi à la captation, outil formidable au théâtre s’il est bien utilisé, permettant de regarder la pièce et de s’en éloigner. On essaie de trouver une spontanéité et une simplicité pour rendre le texte encore plus proche de nous. »

Valentin Rossier détaille : « Souvent, lorsqu’on créé une pièce, il y a beaucoup d’échafaudages autour de la construction théâtrale. On oublie parfois de les enlever pour se libérer totalement et juste « être » sur le plateau au lieu de produire du jeu. C’est là l’intérêt de la reprise. Huit mois sont passés depuis les dernières représentations de la tournée. Ça nourrit. On reprend la pièce avec une expérience en plus et une tension en moins. C’est un objet qui ne fait plus peur. » A (re)découvrir dès mardi prochain et jusqu’au 29 août au Théâtre de l’Orangerie, à moins de se rendre à Bruxelles au Théâtre du Public où les Romands seront à l’affiche (du 1er septembre au 3 octobre).

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

La Seconde surprise de l’amour, du 25 au 29 août au Théâtre de l’Orangerie, Parc Lagrange à Genève.
Découvrez toute la saison du Théâtre de l’Orangerie sur leprogramme.ch ou sur le site du Théâtre www.theatreorangerie.ch

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