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Loup, y es-tu?

Publié le 15.02.2017

 

Vous croyez connaître l’histoire des Trois Petits Cochons sur le bout des ongles? Vous risquez d'être surpris! Du 22 au 26 février, le metteur en scène Georges Grbic propose au Théâtre du Loup à Genève une nouvelle version de ce conte, une version née dans le Valais. Au théâtre de la Bavette, plus précisément, où le comédien et metteur en scène Georges Grbic réalise un spectacle lecture pour tous petits en 2013. La programmatrice du lieu, Catherine Breu, lui propose alors de monter un vrai spectacle. À ce moment-là, le livre préféré de son fils de quatre ans est une adaptation des Trois Petits Cochons. Georges Grbic commence à travailler sur les différentes versions de l'histoire, puis demande à l'auteur valaisan Noëlle Revaz de participer à l'écriture. Elle s'y attèle avec plaisir et publie en 2015 aux Éditions La Joie de Lire une nouvelle interprétation du conte mondialement connu.

 

Geri, Freko et Freki sont trois petits enfants passionnés de lecture et en particulier des Trois Petits Cochons. Leur rêve serait de pouvoir rencontrer le loup et vivre leur histoire préférée. Grâce à leur maman un peu magicienne, les voilà transportés dans l'île du Lard, une île toute plate où il ne se passe apparemment rien, jusqu'à ce que le loup arrive. Mais ce loup-ci est tout décati et souffre d'aérophagie à force de manger de l'herbe. Les trois enfants ont ainsi la mission de rendre la mémoire au loup afin de faire revivre Les Trois Petits Cochons devant un public émerveillé. Explications avec Georges Grbic.

 

 

Que cherchent ces trois petits enfants en voulant rencontrer le loup?

C'est surtout une question d'apprentissage et de ruse. On en a fait des enfants un peu savants, qui aiment beaucoup les livres et qui se disent très vite que les trois petits cochons n'étaient pas très malins. Rencontrer le loup est une forme de défi. Ils essaient de se confronter à leur peur, à leur capacité d'autonomie et de s'affranchir de l'univers parental. Ils éprouvent un réel plaisir à découvrir seuls leur histoire préférée qu'ils connaissent pas coeur. Mais ils sont aussi surpris parce que les choses ne se passent pas vraiment comme ils les avaient prévues. Ils vont devoir se réinventer, s'unir, trouver une cohésion et une solidarité afin de traverser les épreuves qu'ils rencontrent. Le conte se déconstruit et les enfants vont pouvoir vivre leur propre aventure. Ils apprennent à s'écarter des idées préconçues et éprouver leurs ressources face aux imprévus. On le montre dans la mise en scène avec un décor bien léché et propre au départ et qui se déstructure au fur et à mesure. On se retrouve dans un capharnaüm qui raconte une forme de libération par rapport à des acquis. On reste cependant dans un monde enfantin, l'important est que les enfants retrouvent leur mère mais avec une vision du monde un peu bousculée.

 

Comment les enfants du public réagissent-ils face à ces imprévus dans une histoire qu’ils connaissent?

Les enfants sont très participatifs et, comme les trois enfants de la pièce, très surpris. En fait, tout le monde est un peu décentré et déstabilisé par rapport à l'histoire attendue. C'est un peu le propre de l'expérience théâtrale: qu'on ne vienne pas seulement consommer quelque chose que l'on connaît d'emblée, mais qu'on puisse confronter une histoire que l'on croit connaître avec une nouvelle aventure. C'est la possibilité d'éprouver et de vivre quelque chose ensemble, le temps d'une représentation.

 

 

Le loup, dans la plupart des contes, cristallise les peurs enfantines. Dans cette version, vous le présentez diminué. Est-ce une manière de dire que les peurs ont changé?

En ce qui concerne la peur, il y a une chose extraordinaire: quand les enfants arrivent au théâtre pour voir cette pièce, la première chose qu'ils disent est «En tous cas, moi je n'ai pas peur du loup!». Et dès la première mention de l'animal par les trois enfants, la moitié de la salle se retourne pour regarder d'où va venir le loup. La peur reste donc un petit peu! Sans pousser trop loin, on peut dire qu'aujourd'hui le rapport à la peur a évolué. Très jeunes, les enfants ont accès, par les jeux vidéos notamment, à des contenus violents. Ainsi, le rapport à la violence et la peur est déjà éprouvé, d'une certaine manière. Quand le loup arrive sur scène, il est terrifiant parce que, contrairement aux petits cochons, il est masqué et déguisé. Il y a un premier mouvement d'effroi, puis on se rend compte qu'il n'est pas méchant, qu'il a complètement perdu la mémoire et qu'il ne sait pas quoi faire. Il est la première marche de la mise à l'épreuve de la capacité des enfants à inventer. Il devient un objet à réanimer et cela amène un vrai mystère: comment continuer l'histoire maintenant?

 

 

Qu'est-ce que la version de Noëlle Revaz amène au conte initial?

Ce qui a tout de suite intrigué Noëlle Revaz, c'est la relation entre la mère et ses enfants ainsi que les raisons qui les poussent à quitter leur maman. Elle a donc imaginé une mère fantasque, un peu magicienne, qui leur offre ce voyage à l'île du Lard. Ainsi, tout le conte est déplacé dans un lieu imaginaire et cela amenait la question de la transposition au théâtre. La pièce s’adresse à un public qui vient parfois au théâtre pour la première fois et je trouvais intéressant de proposer un trajet initiatique au sein du théâtre: comment on entre au théâtre, comment commence un spectacle, qui sont les gens sur le plateau, pourquoi se met-on à jouer, a-t-on besoin de costumes ou de masques… Il y avait tout un trajet d’intronisation au théâtre par le biais de ces enfants qui veulent rejouer les trois petits cochons pour retrouver le loup. Le spectacle commence d'ailleurs déjà dans le hall où les comédiens attendent le public, l'amène dans la salle avant de monter sur scène. On s'amuse aussi avec les codes du théâtre pour inclure vraiment les enfants dans le spectacle.

 

Qu'est-ce qui vous a séduit dans son écriture?

Je lui ai demandé de participer au projet après avoir entendu à la radio la lecture d'une de ses nouvelles dernièrement parues. J'avais déjà lu d'autres textes et j'y décelais une espèce de radicalité et en même temps de la poésie avec une touche d'ironie ou d'humour décalé qui rend compte de la distance entre la réalité des mots et ce qu'on s'imagine. Je trouvais que cela fonctionnait très bien avec la pièce: des répliques courtes, et des mots très simples. Malgré cette simplicité, elle crée plusieurs niveaux de rapport au langage et arrive à instaurer un univers de fantaisie qui se nourrit de la force évocatrice des mots.

 

Propos recueillis par Marie-Sophie Péclard

 

Les Trois Petits Cochons de Noëlle Revaz, une pièce mise en scène par Georges Grbic à découvrir en famille (dès 5 ans) au Théâtre du Loup à Genève du 22 au 26 février 2017.

Renseignements et réservations au +41.22.301.31.00 ou sur le site du théâtre www.theatreduloup.ch

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