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Le sourire au POCHE /GVE

Publié le 24.05.2018

 

La saison 2018/2019 du POCHE /GVE s’annonce sur des bases des plus intéressantes. Baptisée saison_ensemble, elle permettra de voir évoluer tout au long de l’exercice six comédiennes et comédiens – Nadim Ahmed, Christina Antonarakis, Rébecca Balestra, Julie Cloux, Baptiste Coustenoble, Fred Jacot-Guillarmod – pour un authentique travail de groupe. Ou de troupe.

Selon le directeur Mathieu Bertholet, après un exercice 2017/2018 riche en sombres évocations de la mort et du suicide, la veine nouvelle sera davantage comique, au fil de textes contemporains abordant les relations humaines dans la famille, au travail, et d’une manière générale en société. Tout débutera le 31 août avec des duos interdisciplinaires présentés sous le pavillon de la Bâtie-Festival (jusqu’au 9 septembre). Et la saison se terminera avec des pièces courtes d’Enzo Cormann (du 1erau 14 avril). Entre les deux, des mondes, des merveilles, et une très originale ouverture sur le Mexique, avec une collaboration (deux spectacles) avec le festival DramaFest.

 

Pour la saison, vous créez une troupe de trois comédiennes et de trois comédiens. Quelle dynamique souhaitez-vous ainsi privilégier?

Quand un théâtre français ou romand se lie avec une comédienne, c’est souvent sous une forme de partenariat-longue-durée-sans-engagement. Je préfère de beaucoup la manière germanique, que nous adoptons pour cette saison. En privilégiant un travail de groupe, de troupe, une collégialité, une solidarité, une grammaire, va se mettre en place sur la durée, et va très vite nous sembler bien nécessaire. Je suis persuadé que les spectateurs vont aussi en bénéficier. Et même doublement. Car ils pourront suivre des comédiennes qui leur montreront à chaque fois une autre facette de leur talent. La perception et très différente si on redécouvre, par hasard, la même artiste l’année suivante dans un autre rôle. La mémoire ne conserve souvent que le personnage. Là, d’une fois à l’autre, on va découvrir le travail de comédienne. Cela sera d’autant plus fort au Poche, où nous mettons en avant des auteurs et des écritures contemporaines. Quand le texte est bon, si le texte est fort, ce sont les actrices que l’on voit.

 

Mais alors pourquoi avoir attendu 2018?

Cela devrait coûter plus cher. Cela ne sera pas forcément le cas, car nous ne faisons de toute manière que des productions. Nous ne nous battons pas sur un marché concurrentiel qui nous est, à nous les Romands, forcément défavorable, pour faire tourner nos spectacles. Nous préférons réfléchir à une manière autre de faire du théâtre, plus durable et plus inscrite dans un territoire. C’est un choix politique, qui va nous permettre de travailler sur la durée d’une saison avec trois comédiennes et trois comédiens.

 

Vous avez rappelé votre focale sur les textes contemporains. Puisque votre comité de lecture et vous-mêmes avez tout lu, que pouvez vous nous dire de l’écriture dramatique en 2018?

Nous proposons un instantané, un polaroïd des textes qui nous ont été présenté. Et le hasard se mêle aussi de la programmation. Par exemple, la saison qui vient de se terminer a privilégié des textes très sombres, des évocations de la mort et du suicide, et une langue souvent poétique. Au cours de la saison 2018/2019 nous évoquerons bien davantage les relations humaines dans la famille, au travail ou en société, des sujets exigeants servis sur un mode souvent cynique ou sarcastique. La tonalité générale est plutôt comique.

 

Au delà du hasard, quelques textes forts peuvent-ils vous encourager d’en privilégier d’autres d’une veine compatible, afin de pouvoir proposer un programme de saison plus homogène, plutôt comique pour la saison à venir?

Rien de cela. Idéalement, je préférerais présenter trois drames et trois spectacles plus enjoués. Mais nous devrions alors nous organiser différemment, garder des textes une année pour privilégier des saisons plus équilibrées… Pour l’instant, nous maintenons la priorité à ceux qui ont touché le comité de lecture.

 

En qu’en est-il de l’écriture théâtrale?

Les écritures sont très différentes. Baroques, sobres, directes, poétiques, rigoureuses, efficaces… Un des propres de l’écriture contemporaine, c’est que tout est possible, il n’y a plus aucun canon. Celles qui nous intéressent le plus sont celles qui remettent en question la machine-théâtre.

 

Trois spectacles situent leur action et leurs réflexions autour et dans les bassins de piscines et des bains thermaux. Est-ce que nous assistons à l’émergence d’une sociologie aquatique?

C’est là encore un pur hasard, avec La résistance thermale, de Ferdinand Schmalz (n.d.l.r.: frisson révolutionnaire au centre de thalasso) et La largeur du bassin, de Perrine Gérard (n.d.l.r.: émois et éveils adolescentes au sein d’une équipe de natation synchronisée). Avec La Côte d’Azur (Romy et Alain sont dans une piscine) de Guillaume Poix, nous en avons fait une thématique. Mais ce troisième texte part davantage de la volonté de réadapter le roman à l’origine du film de Jacques Deray, puis de le replacer dans la perspective historique du tournage, en août 68.

 

Un des points saillants est la double irruption du théâtre mexicain au POCHE /GVE, avec un texte suisse qui sera monté par un metteur en scène mexicain, et un texte mexicain que vous mettrez en scène. Que se passe-t-il donc au Mexique, que le POCHE /GVE… ?

Le pays est en plein développement, et sa position de pivot entre les Etats-Unis – la grande usine à entertainment – et les cultures d’Amérique centrale détermine une tension dans tous les textes que j’ai pu lire. Déjà chez ceux qui sont tournés vers le mainstream, qui sont d’une banalité souvent douloureuse. Et j’ai observé, chez ceux empreints et influencé par la violence urbaine, le recours à des formes artistiques très différentes des nôtres. Celui que je vais monter est un oratoria, un conte! Le rapport à la violence est aussi inhabituel. Nous connaissons la violence des écrans. A Mexico, elle est tout autant dans la rue.

 

Comme la petite Suisse, le grand Mexique doit composer avec un voisin encombrant.

En Suisse romande, nous ne cessons d’être provincialisé dès que nous nous tournons vers la France. Les Alémaniques sont aussi mal à l’aise vis-à-vis de l’Allemagne – cela nous rapproche, même si nous ne nous comprenons pas! En comparaison, les Mexicains ont un avantage linguistique gigantesque. Et économiquement, pour en rester à la culture, ils sont devenus un énorme exportateur – je pense aux telenovellas – en direction notamment de la Californie et du Texas.

 

La saison se terminera avec un événement consacré à Enzo Cormann – des spectacles, des ateliers, des bord de scène, de multiple présentations dans les écoles…

De la part des écoles, c’est en tout cas notre souhait! Enzo Cormann est important pour nous ne serait-ce que parce que beaucoup d’auteurs que nous présentons et que nous apprécions sont passés par l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon, où il enseigne. Et son projet de multiples textes de 30 minutes pour trois comédiennes est totalement à sa place dans notre programmation. Ce corpus lui a demandé un travail de concision dans l’écriture, qui n’était pas forcément au centre de sa recherche. Et pour amener autant de textes, qui posent tous un problème, qui amènent tous une issue, il faut davantage que de la virtuosité.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Découvrez le programme complet de la saison 2018/2019 du POCHE /GVE sur le site du théâtre www.poche---gve.ch

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