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Le Lemanic Modern Ensemble célèbre l’art des tissages

Publié le 13.09.2018

 

Le Lemanic Modern Ensemble lancera sa saison 2018-2019 le 28 septembre à l’Auditorium d’Annemasse avec Une histoire du soldat, pièce qui offrira un éclairage inédit sur l’œuvre de Stravinski et de Ramuz. Pour sa onzième saison baptisée Tissages, le LME entend assumer ce qu’il faut bien appeler une montée en puissance. Celle-ci peut s’incarner dans un hommage à Michael Jarrell au Victoria Hall, le 8 octobre, jour du 60e anniversaire du compositeur – un évènement auquel participera notamment l’OSR.

Tout au long de l’année, l’Ensemble éclairera divers courants des musiques contemporaines des XXe et XXIe siècle dans des programmes qui articulent créations et redécouvertes d’œuvres de grandes figures du répertoire – toujours avec le souci d’offrir des clés d’écoute au public. Basé dès ses origines tant à Genève qu’en France voisine, le LME œuvre, par dessus les frontières, au rapprochement entre le public et un art exigeant. Le co-directeur Mathieu Poncet le dit avec enthousiasme et passion.

 

 

Le Lemanic Modern Ensemble lance sa saison avec L’histoire du soldat d’Igor Stravinsky et Charles Ferdinand Ramuz. Quelle marche rate-t-on si l’on croit qu’il s’agit d’une œuvre trop consensuelle?

Nous proposons une relecture de ce drame musical et littéraire où Charles Ferdinand Ramuz est parfois occulté par la figure d’Igor Sravinsky. En effet nous sommes un certain nombre à former une petite congrégation de gens proches de la littérature et nous sommes par exemple très sensibles aux opéras de chambre contemporains. Il y a dans L’histoire du soldat un écho à beaucoup de pièces musicales en petite forme qui utilisent la littérature. Je pense au Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg ou à des opus de Kurt Weil ou Bertold Brecht. L’idée de redonner cette œuvre part de là. Ensuite, la vision de Roger Germser privilégie une relecture utopique, dans laquelle les instrumentistes sont acteurs, disent des textes. L’acteur joue plusieurs rôles. Le metteur en scène est aussi violoniste, et il incarne lui-même le Diable dans le spectacle – on oublie parfois que le soldat n’est pas le seul violoniste de cette histoire. Pour toutes ces raisons, nous ne proposons pas L’histoire du soldat mais Une histoire du soldat. D’autre part, pour un ensemble comme le notre, ancré dès sa naissance des deux côtés de la frontière, c’est aussi un signe fort que de présenter ce spectacle en France, à Annemasse, où Charles Ferdinand Ramuz est sans doute moins connu.

 

Ce qui nous amène à rappeler la nature et les spécificités du LME.

Le LME a été fondé il y a onze ans par deux musiciens d’Annemasse et d’Annecy, Jean-Marc Daviet et Jean-Marie Paraire qui jouent et enseignent autant à Genève qu’en France voisine. Il est porté par l’idée de privilégier une horizontalité de la gouvernance et des choix de programmation. Namascae devenu Lemanic Modern Ensemble, s’appuie d’ailleurs toujours sur deux associations, l’une suisse, l’autre française. Depuis une année, il a entrepris de fortement se professionnaliser, conséquence de son développement, de la reconnaissance de son travail et de la qualité de ses instrumentistes. Il faut évoquer les concerts à l’IRCAM en janvier dernier ou à la Biennale de Lyon, la tournée du Cassandre de Michael Jarrell, avec Fanny Ardant comme récitante. Par essence, le LME ancre sa programmation dans le répertoire de la deuxième partie du XXe siècle et le début du XXIe. Dans toutes ces œuvres qui, faisant suite à l’élargissement de la tonalité puis à son «éclatement», nous ont menées d’Arnold Schönberg à Pierre Boulez, John Cage, György Ligeti, Karlheinz Stockhausen, puis aux courants spectraux des années soixante-dix, aux développements de l’électro-acoustique et à la multiplicité stylistique qui caractérise notre époque.

Naturellement afin d’appréhender tout cet éventail de démarches et de grammaires musicales, nous souhaitons offrir des passerelles, des clés d’écoute au public. Le co-directeur musical du LME, William Blank, assure cette mission avec beaucoup de talent. Et, à l’issue des concerts, le public vient vers nous avec des questions, à la recherche de clés de lecture, c’est très motivant. Nous sommes néanmoins toujours en pleine réflexion quant aux vecteurs de développement de nos projets de médiation et souhaitons éviter une sclérose démonstrative.

 

Un moment fort de votre saison sera le concert anniversaire consacré à Michael Jarrell le 8 octobre au Victoria Hall de Genève.

Quand on pense à Genève, on pense à Jean Piaget, Jean Starobinski, Nicolas Bouvier, Alain Tanner, Georges Haldas, à Bram van Velde et aussi à Michael Jarrell…

Dans cette perspective il nous est apparu important de lui rendre hommage. Rendre hommage à la beauté de ses créations, aux rêves et aux remises en question qu’elles nous offrent. C’est aussi pour nous l’occasion de lui dire le respect et l’affection que nous avons pour lui. Nous nous sommes lancés dans ce programme un peu à l’aventure, mais la sédimentation s’est faite de manière extraordinaire. Au moment où sera donné à l’Opéra National de Paris la création du nouvel opéra de Jarrell, Bérénice, le 8 octobre jour de son anniversaire, Emmanuel Pahud, soliste à l’Orchestre philarmonique de Berlin et Svetlin Roiussev, soliste à l’OSR, interpréteront ses concerti pour flûte et ensemble puis pour violon et ensemble. Toujours sous la baguette de Pierre Bleuse (co-directeur musical du LME) notre ensemble interprétera deux œuvres pour cette formation, puis sera rejoint par l’OSR pour donner la pièce commandée à Jarrell en 2007. Toute cette énergie et ces amitiés dirigées vers sa musique sont aussi un très grand bonheur et une grande fierté pour le LME.

 

Vous proposez également trois soirées Transitoires, Memoria et Outlines – centrées sur trois couleurs, trois histoires de pays acteurs incontournables de la musique contemporaine.

Il y a effectivement des sortes de «nids». On pense bien entendu à l’influence de Pierre Boulez en France, à celle de Karkheinz Stockhausen en Allemagne, Luciano Berio en Italie… Avec Memoria (n.d.l.r.: le 22 janvier à Annemasse, le 24 à Genève), nous présentons en l’occurrence un «nid» italien. Avec Luigi Dallapiccola, compositeur unique qui incarne une musique à la fois sérielle et très latine dans l’attention accordée à la vocalité. Son influence sur toute une génération italienne, et notamment Franco Donatoni est indéniable. Le programme de ces deux soirées sera complété par des œuvres de deux compositeurs vivants. Ivan Fedele, aujourd’hui directeur de la biennale de Venise, à qui nous avions commandé en 2013 Mudra qui sera interprétée ces soirs-là, et Luca Francesconi dont le concerto pour hautbois sera donné par le hautboïste solo du LME, Luca Mariani. Nous touchons ainsi à une cohérence programmatique qui nous est chère, et que l’on retrouve dans Transitoires, qui propose des œuvres de compositeurs français (n.d.l.r.: le 6 décembre à Sion, le 7 décembre à Genève), et Outlines, en partie consacré à la Suisse en la personne de Xavier Dayer, mais aussi aux échos et aux influences des musiques des XVIe et XVIIe.

 

Vous avez mentionné un LME en pleine croissance. Que faut-il lui souhaiter?

Nous nous battons également pour que les œuvres et les créations soient rediffusées, les opus ne sont beaux que s’ils sont «vieux», polis par une multitude d’interprétations. Il faudrait pouvoir jouer plusieurs fois les œuvres, pour que le public en prenne la mesure. Mais cela est d’autant plus difficile que nous en commandons beaucoup, dix à l’occasion de nos dix ans, pas beaucoup moins cette année! Nous ne sommes pas raisonnables mais la défense de la création artistique doit comporter une part de folie!

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Découvrez la saison 2018/2019 du Lemanic Modern Ensemble en détail sur le site www.lemanic-modern-ensemble.net

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