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Le Grütli: le théâtre dans tous ses états

Publié le 08.06.2017

 

Situé au cœur de la cité, le Théâtre du Grütli propose une programmation riche et variée, avec la création en fer de lance. Parmi les auteurs suisses de la saison, citons le Genevois Daniel Vouillamoz avec Un métier de rêve, une pièce sur la profession, lauréate du Prix des écrivains genevois en 2013, et Automne, du Vaudois Julien Mage, s’inspirant d’une scène à laquelle il a assisté un soir de première au Grütli, dans une mise en scène de Jean-Yves Ruf. Côté classique, il y aura un irrésistible Shakespeare, Roméo et Juliette, mis en scène par Camille Giacobino et un opéra de chambre, Le viol de Lucrèce, de Benjamin Britten, mis en scène par le directeur du lieu, Frédéric Polier.

La saison du Théâtre du Grütli, c’est aussi la quatrième édition de Midi, théâtre!, sept créations théâtrales de 30 à 40 minutes à déguster à l'heure du déjeuner avec un plat confectionné pour l'occasion, des rendez-vous comme les Amarrages pour aller à la rencontre des artistes et des surprises, comme des concerts événements hors programmation. Le 1er juin, Frédéric Polier présentait les douze propositions qui composent la saison 17/18 du Théâtre du Grütli en compagnie du comédien David Valère. Retour sur cet événement qui n’a pas manqué d’humour.

 

 

Vous avez choisi un moine hindou pas très catholique pour vous aider à gérer votre vrai faux stress de présentation de saison.

Il faut bien le dire, on s’ennuie souvent un peu lors de ces longues présentations qui énumèrent un programme souvent dense. Alors avec l’aide du comédien Davide Valère, nous avons décidé d’en rire et d’user du phénomène d’autodérision, désamorçant par la même occasion le futur changement de direction du Théâtre du Grütli et tout ce que cela engendre.

 

L’humour rend-il pour vous le message plus percutant en général?

J’ai plus envie de dire qu’il y a surtout des personnes qui savent le faire parvenir. L’humour peut se retrouver un peu partout dans la saison, que les thèmes soient plus ou moins sérieux, car c’est avant tout une affaire de mise en scène. La pièce Grande Paix de Bond en est un bon exemple. Cette pièce progressiste sur la guerre nucléaire est une sorte d’objet de cristallisation, qui parfois, par le biais des ficelles du boulevard, vous extrait du monde pour mieux vous le montrer, comme ce sera le cas aussi avec Joël Pommerat dans sa Grande et fabuleuse histoire du commerce ou encore dans La ballade du soldat Bardamu, librement inspiré de Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline par Eric Salama.

 

On le verra particulièrement dans Las Piaffas de Serge Valletti (d’après Les Oiseaux d’Aristophane) que vous allez mettre en scène.

D’origine marseillaise, Valletti s’empare de cette comédie datée du V siècle av. J.-C. avec une humeur typique du sud méditerranéen. Pour moi c’est une formule originale de théâtre que de s’emparer de textes anciens comme prétexte pour créer une pièce actuelle et d’utiliser les codes du divertissement pour mieux questionner notre rapport au théâtre, à la fiction et au réel. On retrouve, dans Las Piaffas, ce côté avant-gardiste et très accessible d’une œuvre littéraire par le biais du théâtre, une forme de théâtre que j’ai commencé à travailler en 2015 avec La Paranoïa de l'auteur argentin Rafael Spregelburd, un adepte d'un humour décalé et de télescopages dramaturgiques sur fond de distorsions spatio-temporelles comme je les aime. De ce genre de pièce, mille lectures sont proposées et toutes sont valables puisqu'au final tout dépend du point de vue duquel on se place pour en parler.

 

 

Le moine Valère vous a aussi aider à maîtriser vos désirs. Avez-vous dû faire des choix cornéliens pour composer cette saison?

En fait il y a des contraintes qui nous amènent à ne pas avoir le choix. Comme disait Coluche: «Dans l’embarras du choix, j’ai pas le choix, je n’ai que l’embarras». Créer une saison, c’est un mélange de subconscient, de hasard des propositions, de projets prévus en retard ou de coûts ou de droits. Pour ma part, je trouve très bien qu’il y ait des grands écarts de style dans la saison et qu’on puisse passer d’un opéra de Benjamin Britten, Le viol de Lucrèce que je vais mettre en scène en ouverture de saison au Boulevard Romand avec André le Magnifique d’Isabelle Candelier et Loïc Houdré, entre autres.

 

Cette philosophie hindouiste demande d’accepter ce qui est, comme vous l’avez fait remarquer en tirant un parallèle entre intermittence (du spectacle) et impermanence.

Le spectacle Un métier de rêve de Daniel Vouillamoz ne manquera pas de receler quelques règlements de compte sur la profession d’acteur, notamment sur les conditions de ce métier, qui forcent souvent l’ironie. D’autant que ce chef d’œuvre sera porté par des acteurs qui se connaissent depuis plus de trente ans. Je le connais moi-même depuis cette époque où, lorsque j’étais en préparatoire du Conservatoire de Genève, nous nous sommes retrouvés dans une Flûte enchantée de Mozart adaptée pour les enfants où je jouais Monostatos et lui Tamino. Cette pièce fait partie des trois pièces qui ont été lauréates du Prix des écrivains genevois en 2013, avec Ombres sur Molière de Dominique Ziegler et Un avenir heureux de Manon Pulver, pièce présentée au Grütli en 2014.

 

La saison recèlera de trésors quant à la question de la responsabilité, qu’elle soit sociale, politique, affective ou environnementale, face à un système toujours plus menaçant.

A travers la pièce À deux heures du matin, et des extraits de Sous la glace et Trust de Falk Richter, Gabriel Dufay met en scène la solitude de la jeunesse actuelle avec une volée sortie de l’École des Teintureries de Lausanne, dont les préoccupations résonnent avec leur monde, celui du travail notamment qui s’insinue jusque dans l’intimité par le biais des ordinateurs et autres BlackBerrys. Une solitude que nous avons envie de rompre au Grütli où nous cherchons à briser les habitudes et à sortir des carcans à travers une programmation variée et différents styles d’expression avec l’espoir que nous marquerons les esprits en les touchant en plein cœur. Mais si nous y parvenons, ce sont les représentations qui nous le diront.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Découvrez la saison 2017/2018 en détail sur leprogramme.ch ou sur le site du théâtre www.grutli.ch

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