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Le Concours de Genève transgresse les codes

Publié le 17.11.2017

 

Les jeunes artistes lauréats du Concours de Genève vivent avec leur temps, c’est pourquoi le Concours de Genève leur offre la possibilité d’exprimer toute leur créativité lors d’un concert "carte blanche" où il n’est pas interdit de transgresser les codes de la culture classique. La mezzo-soprano Marina Viotti (3e Prix 2016) et le Vision String Quartet (1er Prix 2016) ont imaginé une soirée entre tradition et modernité pour ce concert du 24 novembre au Bâtiment des Forces Motrices de Genève, avec Todd Camburn au piano.

Ce qui importe aujourd’hui dans un concert, n’est-ce pas aussi l’histoire que l’artiste nous raconte, le voyage dans lequel il nous entraîne, les surprises qu’il nous prépare? A l’aide des nouveaux médias, les chanteurs et musiciens élargissent toujours plus le champ de leur art n’hésitant pas à emprunter les chemins de traverse pour affirmer leur personnalité. Pour en parler, la mezzo-soprano Marina Viotti, désireuse d’explorer d’autres voies et de rapprocher les genres et les gens à travers des projets qui font appel tant au grand répertoire lyrique qu’au cabaret, au jazz ou à la chanson.

 

A vos débuts vous avez chanté du jazz, du gospel et même du metal pendant de nombreuses années, qu’avez-vous trouvé dans le chant lyrique qui, à 24 ans, vous a séduit plus que les autres?

Avec le recul, je pense que c’est l’exigence qu’il demande avant tout. C’est cette progression perpétuelle qui me permet d’assouvir ma soif de stimulation qui ne trouvait plus vraiment son compte dans le metal. On doit être pleinement là de corps et d’esprit, cela demande une concentration énorme pour être à cent pour cent présent car notre corps est le seul outil que nous utilisons pour diffuser le son. Je trouve aussi dans ce chant profond une sensation qui se rapproche de celle de la méditation, comme une sorte de connexion avec soi-même, qui est assez incroyable.

 

Vous restez cependant une artiste partisane du métissage des styles dans vos récitals.

Quand je suis entrée à l’HEMU de Lausanne, le premier projet auquel j’ai participé a été Les chansons sacrées de Duke Ellington, du gospel presque jazz. Puis avec Caroline Delcampe au piano, nous avons imaginé le récital De Bach à Piaf, chansons d’amour, entre opéra et chanson française, qui a connu une jolie tournée en Suisse et en France. Pour mon master, j’ai pris le risque de présenter quelque chose de très personnel intitulé Love has no borders, un récital libre, brassant les styles, avec l’amour en fil rouge. Car si le thème semble vu et revu, il résonne pourtant en chacun de nous, qu’il soit joyeux ou amer, L’amour n’a pas de frontières comme l’exprime le titre. Dans ce récital je développe le thème de l’amour en plusieurs tableaux. Il est intéressant de ressentir la manière propre que chaque compositeur a de communiquer ses sentiments. Par exemple, la perte de l’amour chez Tchaïkovski se traduit par beaucoup de lyrisme et de profondeur dans l’expression de sa mélancolie, à la différence de Gluck qui épure un maximum la partition et l’axe sur une note d’espoir.

Je ne savais pas comment le jury allait accueillir ce projet, mais je crois que j’avais trouvé les bons interlocuteurs à l’HEMU, qui encourage la créativité. Dans ce projet Duke Ellington justement, chanteurs et musiciens jazz et classique avait partagé cette expérience unique qui définit totalement ma personnalité. Je m’étais dit alors: «je suis au bon endroit, à la bonne place, au bon moment, et je vais m’épanouir dans cette école.»

J’aime mélanger les styles et je pense que c’est tout à fait possible, si on y prend le plus grand soin, de le faire avec qualité et en étant crédible. Il faut raconter une histoire, renouveler le récital, ce que j’ai choisi de faire avec le récital Love has no borders que le prix Encouragement à la création artistique m’a permis de redonner en concert dans le cadre de la saison Le Flon Autrement cette année.

 

Que ressent-on lorsqu’on vous annonce que vous êtes 3e Prix Chant 2016 ex aequo… et que le 1er prix n’a pas été attribué?

C’est une question difficile, car autant on est très heureux d’être récompensé, autant on se dit qu’on aurait pu faire mieux! On apprend toujours de ses erreurs, c’est ce qu’il faut retenir fondamentalement pour des jeunes chanteurs ou musiciens qui participent à ce concours exigeant. L’excellence demandée est telle que le premier prix est rarement donné, même après quatre tours de sélection. Cela-dit, tout lauréat reçoit un suivi professionnel personnalisé exemplaire et le Concours de Genève est le seul à offrir ce type de prestation.

 

 

Quel programme avez-vous imaginé avec le Vision String Quartet pour ce concert Voix et quatuor au Bâtiment des Forces Motrices de Genève le 24 novembre, concert pour lequel vous avez eu carte blanche?

Au début j’avais une certaine appréhension à chanter avec un quatuor à cordes, parce que je n’avais encore jamais fait de musique de chambre et que je ne savais de quoi était fait leur répertoire, le pensant très typé classique. Mais lorsque j’ai rencontré le Vision String Quartet, j’ai rapidement constaté que je me trouvais en face de personnes qui avaient les mêmes goûts que moi concernant les escapades hors des sentiers battus. Par exemple, nous avons tout particulièrement soigné la mise en scène de ce concert.

Nous proposerons donc une première partie plutôt classique avec des musiques exclusivement françaises. Le quatuor ouvrira avec Quatuor à cordes en sol mineur de Claude Debussy. Puis nous avons développé un thème précis que j’ai porté sur la réincarnation, entre autres à travers La vie antérieure d’Henri Duparc, Le travail du peintre: Chagall et Tel jour telle nuit de Francis Poulenc ou encore des extraits des Mélodies persanes de Camille Saint-Saëns, très peu connues, et qui se terminera avec La chanson perpétuelle d’Ernest Chausson, pour voix et quatuor.

Dans une deuxième partie, nous entrerons dans quelque chose de très moderne où chacun de nous utilisera son instrument d’une manière différente. Mais c’est une surprise, je peux juste vous dire que ce concert mélangera le cabaret, le jazz et la chanson.

 

Cantatrice multifacette, vous participerez également au Concert de gala du Festival des lauréats 2017 le 23 novembre au Victoria Hall et à celui de l’Opéra des Nations le 25 novembre intitulé Airs de concert et flûte solo avec l’Ensemble Gli Angeli.

Dans le Concert de gala, on me découvrira chanteuse d’opéra, ce que j’adore, car s’approprier un rôle à travers le jeu d’acteur est très stimulant et enrichissant à tous points de vue. Les amateurs d’opéra ne seront pas déçus avec les fabuleuses voix qui y participeront, dont notamment Jane Irwin, soprano (1er Prix 1993), Roberto Saccà, ténor (Prix d’Opéra 1989), Jacques-Greg Belobo, basse (2e Prix 2000), Oliver Yoonjong Kook, ténor (2e Prix 2007), ou encore Anna Kasyan, soprano (3e Prix 2007).

Dans le concert Airs de concert et flûte solo, consacré à Mozart, c’est une nouvelle facette de moi que les auditeurs découvriront. Il y a deux ans je pensais être alto, et avoir une voix trop grave pour pouvoir obtenir un rôle dans le répertoire de Mozart, si ce n’est le rôle de troisième dame dans La Flûte enchanté, que m’avait donné l’Opéra de Lausanne en 2015-16, adapté alors à ma voix. Mais récemment celle-ci a beaucoup évolué vers les aigües, ce qui, lors du concours Kattenburg, m’a permis de chanter un rôle mozartien: Sesto, et de remporter la finale. Je suis très heureuse de pouvoir enfin oser explorer le répertoire de Mozart car sa musique est révélatrice de l’interprète tant la finesse et le détail lui demandent subtilité et technicité.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Voix et quatuor, un concert de la mezzo-soprano Marina Viotti et du Vision String Quartet au Bâtiment des Forces Motrices à Genève le 24 novembre 2017.

Ce concert s'inscrit dans le cadre du Concours de Genève 2017 qui se tiendra du 23 novembre au 3 décembre. Renseignements et réservations au +41.22.328.62.08 ou sur le site www.concoursgeneve.ch

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