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La Belle Hélène, oiseau en cage

Publié le 13.10.2015

 



Après Les Aventures du Roi Pausole en 2012, le metteur en scène Robert Sandoz fait son retour au Grand Théâtre de Genève avec La Belle Hélène. La célèbre opérette d’Offenbach se déroule sur toile de fond contemporaine, dans le port du Pirée. Accompagnée par L'Orchestre de Chambre de Genève et le Choeur du Grand Théâtre, la cantatrice française Véronique Gens interprète le rôle-titre, au milieu des rois de Grèce devenus de puissants et riches armateurs. Comment cet «oiseau en cage», épouse de Ménélas, se laissera-t-elle séduire par Pâris? Le metteur en scène neuchâtelois nous dévoile quelques truculences du livret avant les représentations du 14 au 25 octobre.

 

Un imposant décor de conteneurs métalliques se dresse jusqu’au ciel sur la scène du Grand Théâtre de Genève. La scénographie de La Belle Hélène ne ressemble pas aux temples grecs d’hier mais à ceux incarnant un commerce tout-puissant dans le port du Pirée aujourd’hui. Robert Sandoz, son metteur en scène, a cultivé cet effet de surprise avec son scénographe Bruno de Lavenère. Priam, Ménélas, Calchas, Agamemnon et les nombreux autres titulaires des royaumes d’alors ont pris l’allure de riches armateurs intraitables en affaires. Hélène y évolue parmi les hommes. Au milieu d’eux, elle doit trouver sa place.

 

Hélène sur les traces de Jacky Kennedy-Onassis?

Quelle vision Robert Sandoz a-t-il précisément de celle que l’on dit être la plus belle femme du monde? «Hélène est une femme en cage, qui a été très belle, et l’est certainement encore. Elle est devenue prisonnière d’un monde de conventions, très masculin, et doit trouver un moyen de s’en sortir. Sa trajectoire peut aussi faire penser à celle de Jacky Kennedy-Onassis. Il y a des femmes dont on envie la vie bien que celle-ci ressemble à une sorte de petite prison. Après tout, elle est la fille d’un cygne» (Zeus a été métamorphosé sous les traits de l’oiseau blanc). Laissera-t-on l’oiseau en cage se libérer? questionne le metteur en scène neuchâtelois. Quid de cette satire de la bourgeoisie du temps d’Offenbach? «La Belle Hélène est une parodie des hommes d’affaire puissants de maintenant.» Aujourd’hui, Robert Sandoz dit la déplacer un peu, s’intéressant davantage à des figures actuelles plutôt qu’à celles de la mythologie. Mais toujours dans ce registre cher à Offenbach, il «parodie par clins d’œil une Europe qui croit avoir du pouvoir alors qu’elle n’en a plus, les Etats-Unis, le bloc de l’Est, etc.»

 

Avant la Guerre de Troie

Au moment où Offenbach écrit l’œuvre (créée en 1864), «la mythologie était très en vogue. Hélène et Pâris sont considérés comme des héros de l’Antiquité. Or Offenbach casse la mode, créant des anti-héros. Sa force est là, lorsqu’il dit: ‘regardez les héros que vous encensez, ils sont tous pathétiques. Ils ont peur, trompent femmes et maris, sont aussi menteurs’.»

Epouse de Ménélas, Hélène la Grecque résistera-t-elle aux charmes du Troyen Pâris, fils du roi Priam? Ce que raconte La Belle Hélène, «c’est la façon dont Pâris et Hélène tombent amoureux, pourquoi ils partent ensemble, dans une version parodique, sans trop vraiment de sérieux». La pièce exprime le point de vue exclusivement grec, l’histoire s’arrêtant juste avant la Guerre de Troie.

 

 

La Grèce actuelle

La situation de la Grèce actuelle résonnera-t-elle dans cette Belle Hélène? «On ne peut pas faire dire à Offenbach ce qui n’est pas dans le livret. Je l’ai relu en entier. C’est un livret très bavard (de Halévy et Meilhac, ndlr), qui dure trois heures si l’on joue toutes les parties parlées. Lorsque j’ai repris la version intégrale pour faire des coupes, je suis par exemple tombé sur cet extrait: ‘Chouette fanfare. C’est la vôtre? - Non, c’est l’Allemagne qui me la prête!» Là, je me suis dit que l’on pouvait peut-être broder quelque chose d’intéressant par-dessus. Mais on part d’Offenbach. Je n’ai pas rajouté de texte. Ces temps, on aurait un peu envie de dire: ‘votre fanfare est de bonne qualité, comme Volkswagen!’ Mais il faut être prudent. Je pars toujours de l’œuvre, le but n’étant pas de la détourner.»

 

 

Le génie d’Offenbach

Robert Sandoz est un metteur très actif dans le monde du théâtre. En 2012, après son Monsieur Chasse! de Feydeau, il présente sa première mise en scène d’opéra d’envergure au Grand Théâtre de Genève avec Les Aventures du Roi Pausole, d’Honegger. «On reste dans quelque chose de léger», commente le metteur en scène. «Certaines scènes sont ici typiquement du vaudeville. Offenbach a le génie de prendre des touches de vaudeville tout en apportant aussi des moments de vraie émotion, ou d’autres encore, purement musicaux. Ce style n’appartient qu’à lui. Je suis très admiratif de voir qu’il a réussi à faire une œuvre unique avec tous ces éléments. Et c’est peut-être là où réside la difficulté à la monter: cela demande beaucoup de compétences variées. J’apprends! Comme je continue de le faire au théâtre.» 

 

Violet serait sa couleur

S’il y avait une couleur pour décrire cette Belle Hélène? «Ce serait le violet, parce qu’il y a un côté farce et ‘show business’ dans la pièce. C’est aussi une couleur qui peut devenir oppressante ou violente lorsqu’elle est très dense. C’est gai et parfois un peu ‘too much’.» On ne sait pas encore si Robert Sandoz a «modéré» les ardeurs du célèbre compositeur d’opérette parisienne ou s’il les a au contraire exacerbées. «Il n’empêche qu’Offenbach fait de l’opéra-bouffe avec goût. C’est ce qu’il ne faut jamais oublier.»

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

La Belle Hélène, Grand Théâtre de Genève du 14 au 25 octobre 2015.
Avec L’Orchestre de Chambre de Genève et le Chœur du Grand Théâtre de Genève
Direction Gérard Daguerre et Alan Woodbridge
Avec Véronique Gens, Florian Cafiero, Raúl Giménez, Marc Barrard, Patrick Rocca…

Renseignements et réservations +41.22.322.50.50 ou sur le site du Théâtre www.geneveopera.ch

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