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Des classiques pour toutes les bourses

Publié le 21.09.2015

 


«Je crois que je fais le plus beau métier du monde». Jacques Ménétrey est conseiller culturel Musiques classiques, contemporaines et populaires au Service culturel de la Ville de Genève depuis trois ans. Membre pendant plusieurs années du Rassemblement des artistes et des acteurs culturels qui a contribué à aboutir à la loi cantonale sur la culture, proche des artistes et des institutions, il offre aujourd’hui ses compétences de conseiller culturel et de programmateur à la ville de Genève. A quelques jours du lancement de la saison 2015-2016 des Concerts du dimanche du Victoria Hall, il nous reçoit dans son bureau de Malagnou.

 

 

 

Qui est Jacques Ménétrey?

Un mélomane. J'aime les musiques, qu’elles soient baroques ou contemporaines, ou encore jazz, je suis très éclectique dans mes goûts. Je suis né à Lausanne en 1959 dans un milieu familial qui aimait pousser la chansonnette, mais qui n’avait pas la culture de la grande musique. C’est une voisine plasticienne, Rose-Marie Koczy, qui m’y initie en m’offrant Une nuit sur le Mont Chauve de Modeste Moussorgski dans une version russe. Je commence la batterie à 14 ans et suis la filière Musique forte du collège Rousseau avant de poursuivre mes études en percussion dans la classe de William Blank. A 26 ans, mon diplôme en poche, j’ai très vite l’opportunité d’assumer des responsabilités en prenant la direction du Centre international de percussions de Genève. Pendant un temps je suis également musicien supplémentaire à l’OSR et je joue régulièrement avec l’ensemble Contrechamps notamment. Je participe même à une tournée avec l’Orchestre de St-Pétersbourg et le chef Yuri Temirkanov, au triangle dans Shéhérazade de Nikolaï Rimski-Korsakov! Mais des raisons de santé m’amènent à développer mon côté organisateur plutôt que musicien. Je me consacre alors à la Haute école de musique de Genève sous la direction de Philippe Dinkel, où pendant 10 ans je prends en charge tout ce qui concerne les chœurs et orchestres. En 2006, je rejoins le festival Archipel, moi qui en avais été un des membres fondateurs par le CIP, et même président pendant plusieurs années. Aujourd’hui, je mets toutes mes compétences au service de la Ville, comme conseiller culturel et comme programmateur, ce qui n’est pas courant.

 

Quelles directives de la Ville devez-vous prendre en compte dans l’élaboration de votre programmation?

Il y a bien sûr des contraintes budgétaires, mais la somme qui m’est allouée pour les Concerts en été, les Concerts du dimanche et le fameux festival de musiques populaires Week-end en fanfare permet un travail de qualité.

Concernant les choix musicaux, ceux-ci sont induits par les lieux: Pour Musiques en été, la scène de l’Hôtel de Ville ne peut recevoir que 25 musiciens, soit de la musique de chambre ou des récitals. Les grands ensembles se produisent dans la salle du Victoria Hall, une salle de référence en Europe, où je dois veiller à maintenir une excellence artistique variée. La directive principale pour les Concerts du dimanche suit l’axe historique pris par la Ville en 1987: favoriser l’accès aux musiques classiques à un public populaire. Les concerts sont de très haute qualité, et les billets coûtent entre 8.- et 25.- alors que leur valeur réelle dépasse 100.-. Programmés à 17h, ces concerts s’adressent notamment aux personnes âgées, mais aussi à ceux et celles qui n’ont pas l’habitude ou les moyens de venir dans cette salle pour les concerts du soir. Je dois également veiller à ce que le magnifique orgue du Victoria Hall soit régulièrement mis au programme. Cette année, Aurélien Azan Zielinski, qui dirige l’Orchestre des Pays de Savoie, et notre soliste titulaire Diego Innocenti ont décidé de mettre un terme à l’idée reçue que l’orgue est toujours associé à la musique ancienne ou religieuse. Leur concert du 20 mars fera la part belle à la musique du 20ème siècle. Enfin, je dois mettre en évidence les grandes institutions de qualité que la ville soutient, comme l’OSR et l’OCG.

 

Comment se fait le choix du répertoire de l’OSR et l’OCG pour les Concerts du dimanche?

Leurs concerts font l’objet d’une convention tripartite avec la Ville et le Canton, ce qui nous permet d’en discuter 1 à 2 ans à l’avance et d’imaginer des événements «à valeur ajoutée». D’un côté je fais en sorte qu’ils aient un programme particulier qui mette en évidence leur propre répertoire, et de l’autre, des choses qu’ils ne feraient peut-être pas dans leur série de concerts de saison. Ainsi, l’OCG fera une incursion dans la musique contemporaine le 28 février avec Folk songs de Luciano Berio avec la très grande soprano Luisa Castellani, suivi de la 5ème symphonie de Franz Schubert.

Avec le nouveau directeur général de l’OSR, Henk Swinnen, nous avons décidé de faire évoluer cette collaboration en un nouveau projet spécialement conçu pour les Concerts du dimanche. Le 17 avril l’orchestre interprètera des extraits de Roméo et Juliette de Serge Prokofiev et la 2ème symphonie de Johannes Brahms, cette dernière venant compléter le répertoire de saison choisi par le chef Osmo Vänskä.

 

 

La Ville soutient-elle d’autres institutions locales?

Depuis quelques années, elle soutient l’ensemble Gli Angeli, dirigé par Stephen MacLeod. Rarement réunis, trois Stabat(s) Mater(s) composeront leur concert du 24 janvier, trois témoins de l’évolution de ce thème à travers les siècles. C’est mon coup de cœur, en particulier celui d’Arvo Pärt qui sera accompagné du Quatuor Sine Nomine qu’on a pu voir cet été. J’espère que ce concert particulier sera remarqué et amené à partir en tournée.

Un nouveau partenaire de renommée mondiale, qui vient de se réinstaller à Genève, la Cappella Mediterranea, dirigée par  Leonardo García Alarcón. Cet organiste, qui a fait ses études au Centre de musiques anciennes de Genève, emmènera le public dans un Carmina Latina le 13 décembre.

Partenaire habituel, le Kammerorchester Basel, un des meilleurs orchestres de chambre suisses, viendra le 8 novembre avec le chef Giovanni Antonini et, pour la première fois dans les Concerts du dimanche, le pianiste Kristian Bezuidenhout. Leur concert devrait plaire à un large public puisqu’il s’agit de la 80ème symphonie de Joseph Haydn et du 2ème concerto de Ludwig van Beethoven.

 

 

Qu’avez-vous imaginé comme concerts-découvertes?

Pour la première fois en Suisse on va découvrir la Hong-Kong Sinfonietta dirigée par Yip Wing-sie, avec notamment le clarinettiste et conseiller artistique de l’orchestre Paul Meyer. Le 4 octobre, l’ensemble interprètera le concerto pour clarinette de Mozart, une petite pièce contemporaine Clear Light de la Hongkongaise Joyce Tang Wai-chung et la 3ème symphonie de Felix Mendelssohn.

Le 8 mai, le Victoria Hall recevra l’orchestre Les Dissonances dont la particularité est de jouer sans chef. Si la direction artistique est assumée par le violoniste David Grimal, chaque musicien souhaite être totalement responsable de son travail. Leur projet époustouflant intitulés Quatre saisons de Piazzolla-Vivaldi qui clôturait Musiques d’été a d’ailleurs été mon coup de cœur l’année dernière. L’orchestre, qui fêtera ses 10 ans en octobre, a une fibre sociale très touchante: ils offrent régulièrement des concerts aux sans-abris en France. Au programme: trois concertos pour violon de Mozart et un concerto pour hautbois interprété par Alexandre Gattet.

 

Quels sont vos projets?

Ce qui me semble le plus important aujourd’hui, c’est un accès pratique à la musique classique, par le biais d’un orchestre inspiré de «El sistema» comme le proposent certains conservatoires, et qui permet aux enfants des banlieues populaires de Genève de s’introduire dans le monde de la musique classique. Leur fournir les instruments et les faire travailler de manière collective les stimule et leur donne la possibilité d’exercer une activité non seulement reconnue pour être socialement et neurologiquement bénéfique, mais encore dont l’obligation d’enseignement est inscrite dans la constitution suisse. Nous souhaitons développer la médiation autour de nos Concerts du dimanche dans les années qui viennent, notamment en allant mieux au contact des élèves des conservatoires.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Découvrez en détail la saison 2015-2016 des Concerts du dimanche sur leprogramme.ch ou sur le site de la Ville de Genève www.ville-ge.ch

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