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Danse et contre-mondes au TFM

Publié le 06.10.2017

 

«On sait que c’est là, mais on ne le voit pas. Nos yeux ne trouvent rien à regarder, nos oreilles n’entendent pas, nos mains ne peuvent pas toucher. Mais nous sentons une présence, une vibration, une énergie. Quelles visions la sensation d’un monde inexplicable éveille-t-elle en nous? Quelles peurs, quels espoirs, quels désirs?» Chorégraphier l’invisible, voilà le pari fou que s’est lancé Guilherme Botelho à travers la création Contre-mondes, qui se donnera en première mondiale au Théâtre Forum Meyrin du 12 au 15 octobre. La musique minimaliste de Murcof et les lumières tout en subtilité de Yann Marussich accompagnent cette pièce où le mouvement suggéré va au-delà de la dimension mystique de l’invisible, la ramenant à l’humain créateur de la réalité de son propre monde.

Chorégraphe suisse d’origine brésilienne, Guilherme Botelho a commencé à danser à Sao Paulo avant d’être engagé au Ballet du Grand Théâtre de Genève, où il dansera dix ans avant de fonder sa compagnie, Alias, en 1994. Observateur avisé des paradoxes de la vie quotidienne, des tensions qui habitent les relations sociales et des interrogations qui occupent le monde actuel, Guilherme Botelho traite, à travers ses créations, au plus près les grands thèmes de la condition humaine.

 

D’où vient ce terme de contre-monde et qu’exprime-t-il?

Il m’est difficile de définir clairement ce que sont les contre-mondes, car je crois qu’ils sont différents pour chacun. Ce mot est un néologisme employé par plusieurs ethno-anthropologues comme Jacqueline Monfouga-Broustra, Zakaria Rhani ou Bernard Hell, essentiellement pour définir l’ensemble de la réalité sociale et culturelle. Pour moi aujourd’hui, il s’agit surtout de se percevoir face à d’autres réalités, qu’elles soient invisibles comme le monde de l’inconscient par exemple et/ou comportent d’autres règles, d’autres logiques.

A première vue, le thème paraît grave, mais il se révèle vivant, énergique et très graphique. En jouant du visible et de l’invisible, je me permets de créer un univers fantastique, un autre monde qui serait une sorte de point de rencontre entre celui des rêves, de l’inconscience, qui m’interpelle beaucoup puisqu’il porte une certaine réalité justement matérialisée par les rêves, et celui du conscient, du palpable et de la pensée.

 

Comment s’approche-t-on et appréhende-t-on cette dimension irrationnelle?

L’invisible est un espace très complexe, dont certains aspects archaïques sont présents en nous. Je pense que lorsque nous nous couchons le soir et que nous ne sommes pas encore endormis, l’intimité qui prend place dans nos esprits nous mène dans un espace à cheval entre les rêves et la réalité quotidienne, un endroit qui peut être différent pour chacun: métaphysique, spirituel ou même de l’ordre du trou noir, un espace vide, rassurant pour certains.

 

 

Il y a un aspect obscur et en même temps très vivant dans Contre-mondes.

J’ai pris le parti de regarder ce qu’est l’obscurité dans son sens le plus métaphorique. Comme la nuit suit le jour, cet espace inconscient, qui par nature semble inaccessible, devient compréhensible par la nature même de la vie et son mouvement perpétuel: qu’il soit organisé ou désordonné, il a sa propre musique, sa propre intelligence, dont la perfection ne peut être le fruit du hasard.

Pour approcher l’inexplicable, j’ai choisi de montrer, en trois tableaux, le lien qu’entretient l’invisible avec la réalité. Dans la première partie, le public est plongé dans le noir total et pourtant quelque chose est en train de se passer tout près de lui. Par le biais de lunettes infrarouges, celui-ci constate que son impression était la bonne et que la vie fourmille dans l’obscurité. L’invisible n’est déjà plus synonyme d’irréel.

Le deuxième tableau nous révèle une réalité à demi dévoilée: des membres apparaissent comme des poissons affleurant sur une eau sombre, passant d’une dimension à une autre sous les yeux des spectateurs dans un seul mouvement, plus vaste encore: la mécanique implacable de la vie. Le dernier volet de Contre-mondes mettra en évidence qu’étrangement, ce qui est caché par l’obscurité disparait également en pleine en lumière.

 

La danse vous permet-elle de ressentir cet espace d’unité "naturelle" plus facilement que d’autres?

La danse me permet effectivement d’aller à la rencontre de ce ressenti, que d’autres trouvent au contact de la nature ou dans le service à autrui par exemple. Se sentir relié, c’est aussi une manière d’être plus ancré dans notre monde, de se dire qu’il y a d’autres manières d’être et de ne pas se sentir supérieur à quelqu’un, comme à un animal ou une plante. Pour moi c’est le ressenti qui m’amène à voir tout ce qui m’entoure comme mon égal, et non l’intellect. Mais tout ceci reste très personnel et de ce fait très subjectif.

 

Quelles sont vos convictions personnelles quant à l’existence d’un monde de l’"au-delà"?

Je suis un athée convaincu, cependant beaucoup de choses restent peu ou pas compréhensibles, comme les phénomènes médiumniques. Sous ces aspects obscurs, une autre dimension semble s’ouvrir en lien à la vie et au destin. Sans chercher à donner des clés, c’est en tous les cas une notion que je souhaitais évoquer dans ce spectacle.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Contre-mondes, une pièce de Guilherme Botelho, Cie Alias, à découvrir au Théâtre Forum Meyrin du 12 au 15 octobre 2017.

Renseignements et réservations au +41.22.989.34.34 ou sur le site du théâtre www.forum-meyrin.ch

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