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Contrechamps: 40 ans au service de la musique

Publié le 05.04.2017

 

Fondé en 1977, l'Ensemble Contrechamps fête cette année ses quarante ans. Pour la direction musicale et artistique, cet anniversaire est l'occasion d'un double regard vers le passé et l'avenir. Il s'agit de revenir aux débuts de l'Ensemble et ses partis pris tout en mettant en évidence les enjeux actuels de la musique contemporaine. Quatre concerts seront ainsi proposés entre les saisons 2016-2017 et 2017-2018: Breaking News, Best of, By The Way et Carte blanche.

Le projet Contrechamps est né suite aux Journées "Cinéma et Musique" organisées en 1976 par la Fondation Simon I. Patiño à Genève. Face au succès de l'événement, le musicologue Philippe Albèra, le cinéaste Jean-François Rohrbasser et le compositeur Robert Piencikovski se réunissent pour fonder un nouvel ensemble afin de promouvoir les arts contemporains et ouvrir la musique à un contexte multidisciplinaire. En 1980, l’association devient un Ensemble de musiciens et offre une première saison à Genève.

Contrechamps a aujourd’hui ses quartiers dans le studio Ernest-Ansermet de la Radio Suisse Romande et s'apprête à célébrer comme il se doit ses quarante ans d'existence. Le prochain concert dans le cadre de ces festivités aura lieu le 13 juin à l'Alhambra. Intitulé Best of, il donnera à entendre une forme de panorama de ce qui a été important dans l’histoire de Contrechamps. Brice Pauset, directeur artistique depuis 2013, nous en dit plus.

 

 

L'Ensemble Contrechamps fête ses 40 ans, pouvez-vous nous rappeler les circonstances de sa création?

La création de Contrechamps correspondait à une constatation, celle que la musique du vingtième siècle et en particulier d'après les années 1950 était très peu présente dans le paysage musical. Le désir de remédier à ce manque s'est formé autour du musicologue Philippe Albèra et d'autres musiciens. Au départ, c'était un ensemble de musique de chambre, qui a grandi en même temps que l'envie d'approcher un répertoire plus étoffé en matière de distribution instrumentale. Aujourd'hui, nous comptons une vingtaine de musiciens, ce qui nous permet d'accéder à un répertoire assez vaste et varié, même si la musique de chambre reste très importante pour nous. Très vite, le projet Contrechamps est devenu une plate-forme qui articulait certes des concerts, mais aussi une édition publiant des ouvrages. Ces derniers étaient soit des classiques de la musicologie du vingtième siècle encore inaccessibles en langue française, soit des études de la musique de l'époque qui en permettait une meilleure compréhension.

 

Vous avez pris la direction musicale en 2013, quels étaient alors les défis à relever?

La première mission était de maintenir une continuité idéologique, de poursuivre la réflexion sur les enjeux de la musique contemporaine: que signifie-t-elle, pourquoi est-elle si différente de ce qui s'est passé auparavant? Certains noms qui étaient déjà bien connus de l'Ensemble continuent donc d'être joués, des compositeurs et compositrices qui me semblent incontournables. Ce que je voulais aussi, c'est inviter le public de Genève à entendre des choses qui n'avaient pratiquement jamais été jouées avant. Il se trouve que j'enseigne la composition, notamment en Allemagne, et que j'ai donc accès à un large éventail de jeunes talents, de nationalités diverses et surtout de points de vue artistiques très différents. J'avais envie de faire partager une musique d'horizons très vastes. Nous avons également multiplié les collaborations parce que je m'intéresse beaucoup à des répertoires compliqués à monter pour des questions symétriques: ce sont soit des œuvres qui nécessitent trop de musiciens, soit des œuvres qui utilisent l'orchestre de manière trop lacunaire et qui échappent donc aux grands ensembles. L'idée est donc de joindre les forces de Contrechamps à d'autres orchestres ou ensembles pour créer un corps sonore beaucoup plus étoffé et pouvoir approcher des répertoires qui nous seraient sans cela inaccessibles.

 

Depuis sa création, les partis pris artistiques de l'Ensemble ont-ils beaucoup évolué?

Non, la continuité est très importante. Cela m’intéresse aussi de montrer des œuvres pour lesquelles, parfois, j'entretiens des relations compliquées voire conflictuelles, mais qu'il me semble important de faire entendre au public. Je pense qu'un ensemble comme Contrechamps doit être une plaque sensible de ce qu'il se passe sur le moment.

 

 

Parlant des musiciens, vous avez dit que cet anniversaire était aussi l'occasion de leur "redonner la parole". Qu'entendez-vous par là?

Dès qu'un ensemble commence à devenir assez important, cela sous-entend une direction artistique qui va faire des choix artistiques généraux, ainsi qu'une administration pour que tout cela fonctionne. Cela peut rapidement prendre l'aspect d'un orchestre, où les musiciens viennent jouer ce qu'on leur demande. C'est très difficile d'aller contre ce mouvement. Nous essayons donc depuis quelque temps de proposer aux musiciens de participer sur certains points, d'écouter leurs propositions et de les intégrer dans la programmation quand cela est possible. Nous nous réunissons également une à deux fois par saison pour discuter et réfléchir à la suite, et de voir les idées qui pourraient les intéresser en tant qu'interprètes.

 

Le prochain concert du 13 juin à l'Alhambra proposera un "Best of", comment avec-vous choisi les œuvres au programme?

Dans le cadre des différents événements liés aux 40 ans de l'Ensemble, nous voulions un concert qui soit une forme de panorama de ce qui a été important dans l'histoire de Contrechamps. Par chance, je dispose d'une liste de tous les concerts donnés depuis le début, et certains noms apparaissent plus que d'autres.Il y a des compositeurs qui ont été régulièrement invités pour de nouvelles pièces ou des reprises. J'ai fait une première sélection avec les noms qui revenaient le plus souvent. Dans un second temps, j'ai choisi des pièces qui permettait de rendre compte des personnalités de chacun et de produire une dramaturgie générale satisfaisante. En regard de ce concert, nous aurons en septembre 2017 un concert "By The Way" construit comme une antithèse du principe du Best of, c'est-à-dire d'imaginer tout ce que Contrechamps n'a pas joué depuis 40 ans. Ce sera un concert plein de surprise, avec des compositeurs pourtant connus mais qui ont échappé à nos radars, ou qui ne correspondaient pas aux idées dominantes d’une époque ou une autre. Pour cet anniversaire des 40 ans, je voulais montrer que Contrechamps est conscient à la fois de sa propre histoire et de ce qu’il reste à découvrir. Cet esprit de découverte ne doit jamais s’essouffler.

 

Expliquez-nous le concept des Breaking News. Comment élabore-t-on un programme en fonction de l'actualité?

Cette série part d'une constatation assez simple: la musique peut difficilement réagir de manière très rapide à ce qu'il se passe dans le monde pour des raisons de structure. Une œuvre musicale doit être écrite, répétée, le matériel doit être copié, imprimé… Tout cela prend du temps et la réactivité par rapport aux événements du monde est donc déplacée dans le temps. L'idée de cette série Breaking News, qui comptera deux concerts par saison, est de réserver des musiciens partants pour l'aventure, sachant que le programme ne sera décidé qu'au dernier moment, en fonction de ce qu'il se passe. On choisit des œuvres que les musiciens connaissent, c'est-à-dire qu'ils ont déjà jouées dans un passé plus ou moins lointain, et qu'ils vont réactualiser rapidement. On a même réfléchi à la possibilité d'improviser, cela reste possible même si l'improvisation a ses limites. Ce qui nous intéresse, c'est de trouver des œuvres qui rentrent en résonance particulièrement aiguë avec le thème qui est choisi au dernier moment. J'avais à cœur de proposer une autre forme de concert, de sortir d'un horizon d'attente préparé. Dans un concert, les effets de surprise existent mais sont quand même circonscrits à un cadre bien déterminé. Avec ces concerts, l'effet de surprise est maximal puisque l'on va réagir quelques semaines avant la date du concert. Pour cette saison, nous avons privilégié les événements politiques, mais les prochains concerts pourraient prendre des tournures très différentes et tout à fait inattendues.

 

Propos recueillis par Marie-Sophie Péclard

 

Les prochains concerts de l'Ensemble Contrechamps:

Atlas au Bâtiment Arcoop le 6 mai à 21h00
Portraits croisés au Studio Ernest-Ansermet le 16 mai à 20h00
Best of à l’Alhambra le 13 juin à 19h30. Ce concert s’inscrit dans le cadre des 40 ans de Contrechamps.

Renseignements et réservations au +41.22.329.24.00 ou sur le site www.contrechamps.ch

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