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1978-2018: le Théâtre du Loup

Publié le 25.09.2017

 

«Un peu par hasard, cette saison sera très féminine, avec autant de femmes que d’hommes chez les auteurs et un peu plus de femmes chez les metteurs en scène», souligne Eric Jeanmonod, un des piliers de ce théâtre installé sur la rive de l’Arve depuis vingt-cinq ans. Membre fondateur de la compagnie du Théâtre du Loup de Genève en 1978, il nous présente la saison 2017-2018. Au programme: créations émouvantes, accueils anticonformistes, reprise musicale, coproduction fracassante, festival jeunes talents et soirée anniversaire, le tout saupoudrer d’une bonne dose d’humour.

 

Le Théâtre du Loup, c’est avant tout une compagnie qui fêtera ses 40 ans en 2018, quel est votre souvenir le plus marquant de ces quatre décennies?

La période est si vaste que je dirais qu’il est à venir (sourires). Plus précisément en fin de saison, puisque nous préparons un événement tout à fait spécial pour le 8 juin 2018, jour précis des quarante ans de notre compagnie. Intitulée Tous sur le pont!, cette création se déroulera sur la scène de l’Arve, cette rivière que nous côtoyons depuis vingt-cinq ans. Le public prendra place sur sa dernière passerelle, dite du Bois de La Bâtie, un petit clin d’œil au festival du même nom que nous avions créé avec diverses associations genevoises. On peut dire que ce sera un condensé de l’imaginaire du Loup où le jeu croise le visuel, la musique, des masques, du saugrenu, du ludique, de l’onirique, tout ce qui fait notre identité aujourd’hui.

 

Une des créations de cette saison fera un savoureux clin d’œil au tout premier spectacle de la compagnie en 1978.

Pour marquer nos quarante ans, nous avions envie de créer un spectacle emblématique de l’esprit du Loup, et présenter le conte Le Petit Chaperon Rouge en nos murs et bien entendu avec notre couleur nous semblait incontournable pour cette saison anniversaire. D’une part parce qu’il fait écho aux Contes de Grimm, notre tout premier spectacle, mais aussi parce que nous avons souhaité une réalisation inédite et intergénérationnelle à l’image du Théâtre du Loup. Pour ce spectacle intitulé Les 4 Chaperons Rouges, quatre jeunes metteurs en scène, Lucie Rausis, Cédric Simon, Maude Lançon et Ludovic Chazaud, qui tous travaillent ou ont déjà travaillé pour le Loup, auront cette fois la charge d’un quart de l’histoire chacun, la découpant ainsi en un cadavre exquis. Pour eux, le jeu comportera d’autres règles, comme le fait de s’associer à quelqu’un de la génération précédente et aussi à quelqu’un de moins de vingt ans.

Au départ nous ne savions pas si nous allions prendre le conte de Grimm ou une adaptation, puis nous sommes tombés sur la subtile version originale pour la scène de Joël Pommerat qui nous a beaucoup plu et, malgré le fait que quelqu’un avait demandé l’exclusivité de ce texte, nous avons finalement obtenu les droits.

 

L’art théâtral ouvert à tous, est-ce la formule qui a fait le succès de la compagnie puis du théâtre?

A l’image de Mohamed El Khatib aujourd’hui, nous invitions un coiffeur, Fritz Steager, à venir nous rejoindre sur scène il y a trente ans, un vrai créatif dont un des passe-temps était de fabriquer des masques et de donner toute sa sensibilité d’artiste sur scène. Dans le même ordre d’idées, nous avons commencé à faire appel à des enfants parce que nous détestions l’idée de faire jouer des rôles d’enfants par des adultes. Lorsque nous avons choisi de monter Roméo et Juliette de Shakespeare, il nous a paru évident que les comédiens devaient avoir l’âge du rôle, soit 15-16 ans. Mais tout a commencé lorsque Rossella Riccaboni a ouvert un premier cours de théâtre peu après la naissance de notre fille. Car comme nous passions le plus clair de notre temps au théâtre, Rossella a eu envie de lui trouver des copains. C’était le déclic. Aujourd’hui nous proposons quatre cours d’âges différents et un groupe d’adolescents. Nous créons ensemble un spectacle tous les deux ans et cette saison nous proposerons Sur les planches, en juin.

Depuis sept ans, nous organisons également un festival pluridisciplinaire au mois d’avril, C’est déjà demain, dédié aux relèves théâtrales. Sur concours, six formes courtes de maximum quarante minutes ont été retenues sur plus d’une cinquantaine de dossiers tirés du vivier de la création actuelle romande. Nous nous réjouissons aussi d’accueillir pour la troisième année consécutive le spectacle de sortie des étudiants de La Manufacture – Haute école des arts de la scène à Lausanne. Dans Ça ne se passe jamais comme prévu, menés cette année par le talentueux Tiago Rodrigues, les étudiants vont interroger l’acte de brûler un drapeau sur scène, un geste réprimé par plusieurs nations.

 

 

Témoin de cette relation forte entre les générations, My Cha-Cha garden, la création de Rossella Riccaboni, une des membres fondateurs de la compagnie, s’annonce également très émouvante.

Rossella revient sur la compagnie de danse qu’elle avait créée dans les années 80 et qui avait connu une certaine notoriété locale pendant plusieurs années, participant notamment au festival de La Bâtie et à son pendant alémanique le Zürcher Theater Spektakel. Entre nostalgie et plaisir de transmission, elle interroge ce glorieux passé, et surtout, le partage avec les Cha-Cha trentenaires, intrépides, insomniaques et sexy d’aujourd’hui avec qui elle a conçu ce spectacle.

 

La présentation de saison du 19 septembre s’est terminée par une représentation des Variations - Opus 1 d’Audrey Cavelius, «une plongée sensorielle et philosophique au cœur de l’humain». C’est aussi cela l’esprit du Loup?

Virtuose sans artifice, Audrey est une comédienne que nous avons rencontrée lors de sa participation au festival C’est déjà demain en 2014. Elle revient avec sa petite forme, sorte de talkshow où elle joue tous les rôles passant de l’un à l’autre à la vitesse de l’éclair. Cela fait deux ou trois saisons que nous avons ouvert la présentation au public et nous sommes fiers de pouvoir leur offrir un tel spectacle pour venir agrémenter l’énumération de la présentation de saison.

Toute la saison est émaillée de l’esprit du Loup. Artistes de la contrefaçon, drôles et décalés, nous accueillerons aussi, Clémentine Colpin et Christian Geffroy Schlittler de la Cie de Genève, pour La Cagnotte, d’après Eugène Labiche, où le public peut s’attendre à être complètement décoiffé par cette relecture du vaudeville.

Ouverte sur un "entredeux" mondes, la compagnie française Les 3 points de suspension recréera sur mesure sa fameuse balade urbaine, Looking for paradise. Entre l’intérieur et l’extérieur, ce spectacle vous invite à faire de la place à l’inattendu pour se laisser surprendre (comme partir pêcher l’huître par exemple). J’ai découvert cette compagnie aux vingt ans de l’Usine à Genève. C’était extraordinaire, leur spectacle avait comblé un de mes fantasmes de jeune spectateur: voir un vrai homme canon. Ils l’ont fait! Au Loup, on adore ce genre de spectacle entre humour, détournement, inventivité et imaginaire qui ont le charme fou des spectacles de rue.

Nous sommes plusieurs au Théâtre du Loup à être très sensible à la peinture et rendre hommage à Frida Kahlo et Diego Rivera à travers la création Frida/Diego de la chorégraphe Marcela San Pedro nous ravit. Questionnant la pratique artistique et l’engagement de l’artiste, ce spectacle réunira des acteurs amis du Loup de longue date comme Thierry Jorand et Roberto Molo. La Cie Marielle Pinsard fera également son entrée au Loup avec Rock trading /c’est la faute aux enfants/, qui mettra la finance au cœur d’un spectacle.

 

 

L’esprit du Loup, c’est aussi permettre à des spectacles d’être repris.

Un spectacle qui refuse du monde ne devrait pas se refuser une reprise, mais c’est un vrai cheval de bataille. C’est tellement difficile, même pour ce spectacle sur Boris Vian, On n’est pas là pour se faire engueuler, qui s’est joué à guichets fermés l’an dernier. Sur la tournée que j’avais imaginée en Suisse Romande, seules deux réponses positives me sont parvenues, celles du Théâtre Kléber-Méleau à Renens et du Théâtre du Passage à Neuchâtel, et nous sommes déjà très heureux de pouvoir le montrer encore deux fois, ou plutôt trois, en comptant la reprise au Loup cette saison.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Découvrez la saison 2017/2018 du Théâtre du Loup sur leprogramme.ch ou sur le site du Théâtre www.theatreduloup.ch

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