Avec les dents

À un bout de la table du conférencier, les reliefs d’un succulent poulet fermier mijoté à l’ancienne. À l’autre, la carcasse désossée d’un volatile arrivé en fin de chaîne industrielle. Et si nous parlions viande? Et si, avec ces bouches qui nous servent à manger, nous formions des mots pour parler lobbies alimentaires et subtilités sociales de l’alimentation carnée? Et si nous tentions de restaurer, avec les dents, le lien entre ce que l’on profère et ce que l’on ingère? La question de la viande est aujourd’hui inévitable. Sujet de prises de bec absolu, c’est notre modernité dans toute sa complexité et sa schizophrénie.

Sur la scène du théâtre Saint-Gervais à Genève, Jean-Louis Johannides se sert de la formule de la conférence pour mieux la dépasser. Dans son spectacle Avec les dents, il manie les discours avec délicatesse, les retourne et leur fouille les entrailles. L’inquiétante culpabilité du carnivore assoupi émerge lentement, la part animale du végétarien refait surface. Qui flanchera le premier? Une navigation dans les eaux troubles de l’inconscient, une exploration aussi passionnelle que rationnelle des voies contradictoires qui mènent de la tête au ventre.

Conception et jeu Jean-Louis Johannides et Vincent Coppey