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Le hautbois dans tous ses états

Publié le 18.10.2016

 


Le deuxième concert de soirée de la saison 16/17 de l'Orchestre de Chambre de Chambre de Genève, Le Hautboy Danse, s'articule autour du hautbois, personnifié par le russe Alexei Ogrintchouk. Sous la direction de Ed Spanjaard, la soirée prévoit un programme varié qui réserve quelques surprises, comme le concerto en ré mineur pour hautbois d’Alessandro Marcello. Deux symphonies ouvrent et clôturent ce parcours, la Symphonie en mi bémol majeur de Carl Philipp Emmanuel Bach et la célèbre Horloge de Joseph Haydn. Mais c’est que fait le coeur ou l’ADN de cette soirée, c'est la création des Trois Danses, une oeuvre du compositeur Frank Martin, né à Genève en 1890. Créée pour un duo hautbois et harpe, cette oeuvre prendra un relief particulier sous les pas de deux danseurs de flamenco, Natalia Ferrandiz et Bruno Argenta. La chorégraphie est signée par la fille du compositeur, Teresa Martin, qui nous a accordé quelques mots.

 

 

Comment est née cette collaboration avec l'OCG?

J’avais déjà chorégraphié Les Trois danses dans l'idée de les insérer dans un concert. D'un autre côté, le chef Arie van Beek avait déjà demandé à ma mère s'il ne pourrait pas travailler quelque chose de mon père. Avec mes danseurs, on a su qu'Arie adore proposer des concerts un peu originaux dans lesquels il n'y a pas que de la musique. Je suis allée lui parler de mon projet et il a été enchanté.

 

Est-ce parfois difficile de proposer des projets originaux dans la musique classique?

Cela dépend beaucoup des orchestres et des chefs d'orchestres. Certains préfèrent qu'un concert reste un concert, c'est une position qui est juste aussi. D'autres aiment mélanger les disciplines. Mais il est vrai que ce n'est pas quelque chose d'extrêmement facile à placer. Il faut aussi une scène suffisamment grande pour accueillir l'orchestre et les danseurs, plusieurs choses peuvent compliquer la démarche. Je viens d'aller voir la scène du Bâtiment des Forces Motrices et l'endroit me semble idéal, c'est un lieu magique.

 

Les Trois danses ont été composées par votre père spécialement pour vous, vous souvenez-vous du moment de leur création?

Quand j'avais dix-sept ans, j'étais à l'Académie de ballet classique en Hollande. J'ai eu l'occasion d'essayer plusieurs stages dans toutes les disciplines de la danse. En suivant un cours de flamenco, j'ai eu, plus qu'un coup de foudre, la sensation de rentrer chez moi. Je suis rentrée à la maison complètement euphorique. J'ai ensuite suivi beaucoup de cours que je racontais à mon père en lui montrant les rythmes et les atmosphères, les différentes danses, les chants. Il était complètement fasciné et touché. À quatre-vingt ans – ce qui est quand même extraordinaire – il a décidé d’écrire cette oeuvre dont les rythmes sont entièrement fidèles aux lois du flamenco. Ce n'est pas une espagnolade, on retrouve totalement son langage mais avec une atmosphère qui fait penser au flamenco.

 

Que ressentez-vous quand vous mettez en scène la musique de votre père?

Évidemment, c'est une musique qui m'est très proche. J'ai grandi dans la maison où il travaillait, j'écoutais sa musique toute la journée pendant qu'il composait. J'ai presque peur de la chorégraphier parce que je me demande si je vais réussir à traduire la beauté de cette musique. Quand on trouve quelque chose très beau, on se dit qu'il ne faut rien ajouter, qu'il ne faut pas y toucher. C'est un travail spécial, qui me touche beaucoup. Et c'est difficile parce que ce n'est pas du flamenco, c'est son monde à lui. Il faut que je trouve un chemin, un langage qui colle à cette musique. Pour une chorégraphe c'est un très beau défi.

 

 

Vous avez commencé votre carrière en tant que danseuse, qu'est-ce qui vous a attiré dans la chorégraphie?

Quand j'étais enfant, j'adorai déjà improviser. À l'académie de danse j'avais dû fournir une chorégraphie pour l'examen final et j'avais alors remarqué que c'était un travail que j'adorais. J'avais un bon contact avec les danseurs et je savais sortir ce qu'ils portaient en eux. Par la suite je me suis beaucoup entraînée toute seule, jusqu’à ce que la chance s'en mêle. Avec une amie, j’avais une compagnie de danse espagnole à Baden. La chorégraphe est soudain tombée malade et il a fallu la remplacer. C’est là que j'ai compris que j'étais faite pour ça, que c'est un autre travail que de danser soi-même.

 

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours?

J'ai vécu un véritable coup du destin à ma sortie de l'Académie de Ballet. Je devais partir à Paris pour intégrer l'école de Jacques Lecoq, tout était organisé. Deux semaines avant mon départ, je suis revenue en Hollande faire ma valise. C'est à ce moment qu'un danseur de flamenco m'a téléphoné pour me demander de remplacer sa partenaire. Je revenais d'un stage de flamenco complètement excitée et j'ai accepté tout de suite. Bizarrement Lecoq a accepté que je repousse mon entrée de six mois plus tard. J'ai été tellement mordue que je ne suis jamais retournée à Paris et je suis partie pour l'Andalousie. En deux semaines, toute ma vie a changé. Et à 67 ans je suis toujours dans le flamenco. Quand quelque chose comme cela t'arrive, c'est un cadeau.

 

Propos recueillis par Marie-Sophie Péclard

 

Concert de soirée N° 2 de l’Orchestre de Chambre de Genève, Le Hautboy danse, le 1er novembre à 20h00 au Bâtiment des Forces Motrices à Genève.
Sous la direction de Ed Spanjaard avec Alexei Ogrintchouk (hautbois), Geneviève Chevallier (harpe), Natalia Ferrandiz et Bruno Argenta (flamenco) et Teresa Martin (chorégraphe).

Renseignements et réservations au +41.22 807.17.90 ou sur le site www.locg.ch

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