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La Paranoïa : Science-fiction au Grütli

Publié le 06.03.2015

 

« C’est comme du boulevard Borgesien »

 

Après le succès de La Terquedad (L'Entêtement), il y a tout juste un an, la rencontre avec l’auteur lors de sa venue au Théâtre du Grütli et la présence du spectacle dans la sélection du Prix Suisse du Théâtre, Frédéric Polier décide de récidiver et de poursuivre avec un nouveau texte du même auteur. La Paranoïa (La Gourmandise) est, comme le précédent spectacle, un des volets de l’heptalogie constituée par l’auteur argentin Rafael Spregelburd à partir du tableau du peintre de Jérôme Bosch Les Sept péchés capitaux. Chez Rafael Spregelburd, fer de lance du théâtre post-moderne dans son pays, l’univers ne se résume pas à ses quatre dimensions. Publiée en 2008, La Paranoïa est une saga de science-fiction délirante aux allures de telenovela théâtrale. Ce que l’auteur débusque derrière la facticité des mots, c’est la langue réelle d’un pays et d’une époque qui tente de résister à la crise. Dans une quête insensée de cerveaux toujours disponibles, il s’agit de divertir toujours plus, c’est-à-dire d’empêcher l’élaboration de tout système de pensée qui conduirait immanquablement à une opposition. Interview avec le metteur en scène Frédéric Polier.

 

Qu’est ce que cette pièce raconte à propos de la paranoïa ?

Il faut commencer par le commencement, Spregelburd a écrit des textes sur Les Sept péchés capitaux de Jérôme Bosch. Et La Paranoïa est en fait une référence à la gourmandise. On pourrait expliquer le lien par l’attitude de ceux qui ont peur de se faire piquer leur dessert ou leur assiette de purée à table. Dans la pièce, il s’agit d’une gourmandise de fiction. La Paranoïa est une pièce de science-fiction, ce qui est rare au théâtre. Le synopsis peut faire penser à une opérette ou à une série Z. On est en 5000 ou 20 000 ans après le premier contact (dans cet monde-là, il s’agit du repère qui remplace la naissance de Jésus-Christ). Des Intelligences supérieures régissent l’univers, des extra-terrestres en quelque sorte. La particularité de la planète terre, c’est la force qu’ont ses habitants de générer de la fiction, d’inventer des histoires qui n’existent pas. Mais au moment où commence la pièce, les intelligences ont tout avalé : les disques, les livres, les caméras de surveillance… Et elles menacent désormais de se débarrasser de la terre s’il n’y a plus de fiction. On se retrouve donc dans l’univers de la farce, avec une équipe de « bracaillons » constituée de plusieurs personnages. C’est une opération terrienne spéciale… Cette équipe se met à construire une fiction, un polar à la telenovela, une enquête sur un commissaire vénézuélien et une miss Venezuela.

 

 

C’est l’avant dernier volet de l’heptalogie, pourquoi avez-vous choisi celui-ci ?

Je ne connais pas les huit textes car ils n’ont pas tous été traduits. Dans le passé, j’ai programmé La stupidité à L’Orangerie. Mon intérêt pour ces textes vient de ma rencontre avec l’auteur, Rafael Spregelburd, qui écrit un théâtre très puissant, un peu méconnu par ici, même si maintenant ses œuvres sont éditées à l’Arche. Dans ses textes, il tricote beaucoup de fils en même temps. C’est consistant, cohérent. Ça gagne vraiment à être connu ! C’est une troisième voix pour le théâtre que je qualifierais de « boulevard Borgesien ». Pour moi, La Paranoïa représentait un défi car il y a un gros travail avec la vidéo, ce que je n’avais jamais expérimenté auparavant. Avec les cinq acteurs sur scène, nous avons été dans un sens extrême.

 

C’est-à-dire ?

Il y a du cinéma dans la pièce de théâtre. Je peux vous assurer qu’il y a six mois, je n’en menais pas large par rapport à ça ! Mais maintenant, je suis très content. Ce n’est pas de la vidéo figurative, ça fait vraiment partie de l’histoire.

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

La Paranoïa, du 3 au 22 mars au Théâtre du Grütli à Genève. Renseignements au +41 22 888 44 88 ou sur le site du théâtre www.grutli.ch

 

Autour du spectacle

Mercredi 13 mars à 18h00 : Le théâtre de science fiction. Rencontre avec Brigitte Prost, Critique dramatique et Maitre de Conference à Rennes 2
Jeudi 17 mars à l’issue de la représentation : La conscience dans tous ses états. Rencontre avec Claire Braboszcz, neuroscientifique au Centre Interfacultaire en sciences affectives

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