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La Comédie va "Écrire notre histoire"

Publié le 20.06.2018

 

La Comédie de Genève a présenté sa saison 2018-2019 sur le chantier de la Nouvelle Comédie qui sera inaugurée, gare des Eaux-Vives, dans deux ans. Le duo à la tête de l’institution, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, désormais profilé sous l’acronyme NKDM, a évoqué en préambule trois saisons de transition. Leur première, puis la der de l’actuelle salle, et enfin celle de l’emménagement. Sinon de combat, ce branle-bas pousse dès cet automne à réinvestir les petites salles et les recoins de l’écrin du Boulevard des Philosophes, à proposer des dispositifs qui s’approprient les techniques du cinéma ou à proposer Tchekhov en langage des signes, à inviter au spectacle jusque dans votre propre salle de bains…

Cette énumération colorée a des mérites, elle ne serait rien si elle n’était l’envie de faire partager les univers de metteurs en scène singuliers. Briser des codes pour électriser les habitués? Se faire fi de quelques murs pour mieux éclairer le monde, la vie, la mort?

Pour abonder – modestement – dans le sens de la méthode, une compilation de propos recueillis lors et en marge de la conférence de presse est présentée ci-dessous sous l’apparence classique d’un entretien questions-réponses.

 

La Nouvelle Comédie est aujourd’hui en plein chantier. Et demain?

Natacha Koutchoumov: Ce sera la plus grande fabrique de théâtre de la ville, avec deux salles équipées, et la place pour le travail de tous les corps de métier. Bref, un «vrai» théâtre qui manquait à Genève et qui sera inauguré en 2020. Le changement implique aussi d’importantes mutations humaines et logistiques qui permettront de doubler le nombre de représentations, de 120 à 240 par an – plus une centaine d’actions culturelles (n.d.l.r.: médiation) que je considère comme un service public. J’imagine un théâtre ouvert pratiquement en permanence.

Denis Maillefer: Nous voulons une ambiance de festival, une programmation qui doit permettre d’aiguiser le regard des spectateurs. Nous allons dès la première saison présenter plusieurs fois le même auteur, la même pièce. Metteur en scène, il m’est arrivé de proposer une pièce de Tchekhov à un théâtre, et de m’entendre dire: «C’est impossible, nous en avons déjà une.» La réponse est légitime, mais je trouve qu’un seul Tchekhov, c’est vraiment pas assez!

 

Le programme propose deux fois Les Trois Sœurs, dont une en langue des signes russe. Le cinéma est présent, avec deux adaptations de Lars Von Trier. La metteure en scène Christiane Jatahy va filmer et monter en direct sa pièce et projeter le résultat dans le prolongement de la représentation. Que se passe-t-il?

NK: Cela définit ce qu’est le théâtre aujourd’hui. En tant que spectateurs nous sommes tous tellement abreuvés de possibilités de regarder des histoires racontées du début à la fin par le médium film, par le médium série – et c’est souvent absolument palpitant! – que quand nous nous déplaçons au théâtre, nous voulons vivre une expérience atypique qui va nous modifier vraiment. Il faut proposer des aventures. Nous voulons créer des chocs esthétiques, émotionnels.

DM: A une époque on partait du texte pour construire sa saison. Là, notre point de départ sont les propositions esthétiques des metteurs en scène que nous choisissons. Alors, oui, il se trouve que c’est amusant et étrange d’investir une scène de théâtre avec une série, une chose de télévision – au fond, entre guillemets, l’ennemi – mais ce n’est pas fondamental. Ce qui nous motive, c’est le regard des metteurs en scène, et les moments singuliers qu’ils nous promettent.

Il y a plein d’entrées pour aller au théâtre. Lars Von Trier est le choix d'Oscar Gómez Mata qui monte la pièce Le Direktør. Son projet nous enthousiasme tellement que nous lui en demandons plus. Avec les mêmes décors, avec les mêmes comédiens. Il ajoute le même auteur et propose Le Royaume une adaptation de la série Riget.

NK: Il se trouve que dans les deux cas, il est question de pouvoir, de rapports de force. Dans le monde de l’entreprise, puis dans celui de l’hôpital.

 

Vous dites vouloir aussi vous adresser plus directement à un public plus jeune.

DM: Affirmer que Tchekhov parle aux adolescents et organiser des actions culturelles pour l’illustrer est toujours légitime. Mais nous voulons aussi les toucher avec les thèmes des spectacles. C’est évident avec Sara – Mon histoire vraie, du jeune metteur en scène Ludovic Chazaud. Qui raconte les retrouvailles de deux quadras, qui se rappellent de leur histoire d’amour lorsqu'ils étaient adolescents, mais aussi d’un épisode un peu sordide, d’une sale blague qui avait mal tourné, entre une fille pas très jolie et le beau gosse de l’école.

NK: Cela parle de comment on devient victime, de comment on devient bourreau. Avec une écriture toute en finesse.

DM: L’autre spectacle qui répond immédiatement à notre envie de nous adresser aux jeunes est Gen Z – Searching for beauty. Le metteur en scène belge Salvatore Calcagno est parti enquêter dans plusieurs villes européennes sur les enjeux des jeunes. Sa proposition est une sorte de conseil de classe auxquels participent des élèves d’une école de théâtre belge et ceux d’une école professionnelle – le spectacle sera monté ici avec une école professionnelle genevoise. J’ai assisté à une représentation en Belgique. Il y avait une ambiance de dingue. Sur scène, c’était un peu les Beatles!

 

Donc, les jeunes?

NK: On les veut!

 

La saison débute avec un événement autour de Mademoiselle Julie, de Strindberg.

DM: La création de Mathias Langhoff, en 1988, a marqué l’histoire de la Comédie. Nous avons proposé à six metteurs en scène de se réapproprier la pièce, avec une ligne: être totalement infidèle au texte afin d’être totalement fidèle au théâtre. Luk Perceval, Christine Jatahy, Amir Reza Koohestani, Pascal Rambert, Tiago Rodrigues et tg STAN ont tous accepté.

 

La saison 2018/2019 s’annonce sous la bannière «Écrire notre histoire».

NK: C’est celle de notre première saison. Celle de cette ville, de ce théâtre, mais aussi l’histoire intime et individuelle de chacun.

DM: Chacun voit et crée un spectacle avec ses yeux, en fonction de son propre vécu, avec son propre regard sur l’histoire du monde.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Découvrez en détail la toute première saison de Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer à la tête de la Comédie de Genève sur le site du théâtre www.comedie.ch

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