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Incendie grave au théâtre du Loup

Publié le 01.06.2016

 


Le Collectif Sur Un Malentendu présente Tristesse animal noir (2009) d’Anja Hilling, au Théâtre du Loup à Genève du 8 au 11 juin. Composé de six comédiens sortis de La Manufacture de Lausanne en 2010 (Claire Deutsch, Cédric Djédjé, Pierre-Antoine Dubey, Cédric Leproust, Nora Steinig et Emilie Blaser), le collectif se forme suite au travail des Trublions de Marion Aubert monté en 2013 avec La Distillerie Cie. Pour leur deuxième création, le collectif a choisi de raconter l’histoire d’un groupe de trentenaires bourgeois bohèmes. Ces six amis partent au cœur de la forêt pour se retrouver autour d’un barbecue au clair de lune. Et puis c’est la catastrophe qui va défigurer leurs vies. Rencontre avec Claire Deutsch qui se fait porte-parole du collectif le temps de quelques questions.

 

 

Qu’est-ce qui a décidé chaque membre du collectif à s’emparer de cette pièce d’Anja Hilling?

Notre collectif se distingue par son envie commune d’aller à la découverte d’auteurs contemporains. Aussi, avec pour seule contrainte l’envie d’une pièce qui raconte l’histoire d’un groupe, chacun a proposé l’une des dernières pièces qui l’a touché lors d’un comité de lecture où nous échangeons nos ressentis et les diverses possibilités de mise en scène que cela nous permet d’entrevoir. Cette pièce d’Anja Hilling nous a été présentée par Cédric Djédjé et elle a vraiment interpellé chaque membre du collectif par les questionnements qui en découlent, mais aussi par le réel défi scénique de représenter le cœur de l’action, l’incendie de forêt, sur une scène de théâtre.

 

Comment donnez-vous vie à cet incendie de forêt sur le plateau?

Nous avons opté pour une fenêtre réaliste dans la première partie avec des troncs d’arbres autour de nous et des copeaux de bois au sol et de vraies saucisses. Mais peu à peu le plateau se révèle par les éléments factices que nous y avons joints, comme une lumière dans le barbecue, car la pièce traite principalement de cette question de l’authenticité et de la théâtralité dans nos comportements humains. Pendant l’incendie, c’est le son qui crée toute l’atmosphère cauchemardesque, renforcée par un jeu de lumière inquiétant où on perçoit les premières volutes de fumée s’avancer lentement.

 

Du fait que chacun est à la fois acteur et metteur en scène dans le collectif, avez-vous mis en place une sorte de protocole pour arrêter vos choix de mise en scène?

Il n’y a pas de recette miracle, mais notre mode de fonctionnement consiste en la recherche de cette mise en scène par l’expérimentation où chacun fait ses propositions sur le plateau. Et bien souvent, lorsqu’une proposition d’un des comédiens s’avère pertinente, les autres la valident presque instantanément avec évidence. Puis nous dirigeons nos efforts dans la direction choisie pour y déployer les multiples possibilités de jeu au groupe dans son ensemble. Nos collaborateurs du son, de la scénographie et de la lumière, viennent aussi donner un avis extérieur pour accéder à la meilleure compréhension possible des enjeux de la pièce à travers nos choix de mise en scène.

 

 

Comment qualifier le style littéraire de cette auteure née en 1975 à Lingen en Allemagne?

Anja Hilling a une écriture surprenante qui déroute: elle installe des codes et des systèmes, qu’elle brise lorsque le spectateur y est confortablement établi. On pourrait parler d’écriture tchékhovienne, surtout au début de l’histoire lorsque le groupe d’amis s’installe dans la forêt pour y passer la nuit. Dans cette partie, Anja Hilling se réfère au conte par les nombreuses didascalies poétiques qu’elle mélange aux bribes de mots lâchés par les personnages, affichant la superficialité de leurs contacts et de leur vie a fortiori, cachant un iceberg de désirs inassouvis et de superficialité. Ensuite, l’auteure ouvre sur une description chirurgicale et sensationnelle de l’horreur de cet incendie dont va être victime le groupe d’amis. Dans la troisième partie, l’après-catastrophe, l’auteure abandonne les nombreuses didascalies au profit du discours direct, symbolisant le lien créé entre l’extérieur, le superficiel, et l’intérieur, la profondeur de l’être, des personnages suite à cette expérience traumatisante et initiatique.

 

Sous quels traits de ce groupe d’amis partis pour un week-end de camping, d’artistes bobos trentenaires, le collectif retrouve-t-il sa propre génération?

Pour ne pas rester à distance de ces bobos-là, sans ironie ni jugement, nous avons cherché en quoi cette part de confort de la jeunesse actuelle résonnait en nous, même dans notre situation d’intermittents du spectacle. Nous nous sommes demandés, à notre échelle personnelle, quand est-ce que la catastrophe arrive et à quel moment nous avons pu être confrontés à la nécessité. Et plus largement encore, pour ne pas oublier que chaque geste du quotidien a une réalité et une portée bien plus grande que veut nous le faire croire notre société de confort, et qu’il est de notre responsabilité d’en prendre conscience devant nos habitudes. Avant que la catastrophe ne vienne souffler brutalement la poudre incrustée dans nos yeux somnolents.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Tristesse animal noir, pièce mise en scène par le collectif Sur Un Malentendu, à découvrir au Théâtre du Loup à Genève du 8 au 11 juin

Renseignements et réservations au +41.22.301.31.00 ou sur le siet du théâtre www.theatreduloup.ch 

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