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Hip-hop chamanique au Théâtre Forum Meyrin

Publié le 14.12.2018

 

Scandale de Pierre Rigal, une des créations phares de l'édition 2017 du Festival Suresnes Cités Danse, donne rendez-vous aux amateurs de hip-hop comme de théâtre, le 19 décembre au Théâtre Forum Meyrin. Dans cette pièce pour six danseurs et un percussionniste, Pierre Rigal dépeint «une jeunesse libre et prisonnière à la fois, qui scande des mots d’amour incompréhensibles, des onomatopées de révolte ou des lamentations d’espérance. Elle ne sait plus que faire de ces tourbillons du langage et de sa propre parole. Elle préfère s’en faire un rythme, une musique pour danser, pour entrer dans la démence et laisser l’énergie des corps faire trébucher le cours des choses. Pour que les esclandres et les scandales soient absorbés et renversés par le temps. Pour le meilleur et non le pire.»

Comme Pierre Rigal, la danseuse Française Emilie Schram – l'une des six interprètes de Scandale – a débuté sa carrière dans le domaine sportif, en Gymnastique Rythmique et Sportive, avant de poursuivre sa formation en France et aux États-Unis avec la pratique de danses traditionnelles, locking, popping ou encore jazz, une variété de styles à l’origine de la danse hip-hop. Rencontre.

 

Comment décririez-vous l’univers de Pierre Rigal?

C’est ma première collaboration avec Pierre. J’avais eu la chance de voir sa première pièce avec des danseurs hip-hop, Asphalte, en 2009. Il a une manière bien particulière de mettre en scène la danse et la performance physique pour créer une réflexion, notamment lors de moments de mouvements à répétition très intenses, qui induisent une temporalité particulière, propre à Pierre. J’ai envie de le comparer à un peintre qui met les corps en avant à travers la forme que ceux-ci vont prendre dans la chorégraphie. Derrière le mouvement, des personnages abstraits, pas de message en particulier. Chacun est invité à vivre le spectacle à sa manière et à se fabriquer sa propre histoire tant du point de vue du danseur que du spectateur.

D’ailleurs le travail de Pierre s’appuie essentiellement sur une expérimentation personnelle des acteurs du spectacle, touchant tant à la danse qu’au théâtre ou à la performance sportive, cherchant l’enrichissement de la création au-delà des étiquettes.

 

Par exemple?

Certains jours nous expérimentions des marches par groupes de trois où nous devions trouver des chemins permettant de se croiser sans se bousculer. Parmi d’autres propositions, celle du mouvement de groupe, tribal, ou celui du travail des sons émis par nos voix, dont l’exercice consistait à prendre la parole au micro lors d’une assemblée, mais bouche fermée.

 

Qui sont, pour vous, ces six personnages mis en scène dans Scandale?

Au début, je nous ressens comme des personnes originales mais sans personnalité marquée, juste un peu étranges, peut-être perdues, en lisière de cette forêt formée de tapis blancs verticaux. Au fur et à mesure, ces êtres vont se laisser envoûter par les sons émis par leurs propres voix et par les rythmes d’un meneur, qui m’apparaît comme un chaman. Jusqu’à ce qu’ils trouvent une forme d’autonomie qui les poussera à prendre les baguettes du chaman pour créer leur propre musique, et à prendre la parole pour revendiquer le simple droit à la vie, même si ce n’est que pour un temps.

 

 

Derrière cet être charismatique masqué, le musicien Gwenaël Drapeaure mixe les sons des danseurs en direct.

Une partie des sons sont déjà enregistrés et l’autre se crée en direct et se mêle aux rythmes du batteur. Onomatopées, rires et souffles naturels composent la bande son du spectacle, symbolisant une forme de prise de parole et de partage. Hymne à la vie? Manipulation? Pour moi cet être charismatique ne nous fait aucun mal. Il n’est ni positif, ni négatif, il joue avec nous.

 

En quoi le hip-hop introduit dans les créations de danse contemporaine se distingue-t-il du hip-hop original?

La danse hip-hop introduite dans les créations chorégraphiques actuelles est très "contemporanéisée", même si, par essence, cette danse adopte sans cesse de nouveaux mouvements de sources très diverses. On ne peut pas la comparer à celle pratiquée lors des battles, qui sont de vraies compétitions, orchestrées par des codes formels exigeant certains types de figures précises comme des passe-passe (figure au sol), des toprocks (des pas d’entrée) ou des power moves (enchaînements de mouvements rotatifs). Dans Scandale, le krump, le break dance, le pop et le contemporain rencontrent l’art théâtral pour faire parler le corps dans une liberté d’expression totale et illimitée.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Scandale de Pierre Rigal est à voir au Théâtre Forum Meyrin le mercredi 19 décembre 2018.

Renseignements et réservations au +41.22.989.34.34 ou sur le site du théâtre www.forum-meyrin.ch

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