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Duo W: deux Vincent brouillent les pistes

Publié le 09.04.2024

Duo W est un duo inattendu, voire improbable, le saxophoniste Vincent Barras et l’organiste Vincent Thévenaz seront pourtant sur la scène de l'Auditoire Calvin, le 13 avril à 18h00.

Ils se sont réunis en 2005 pour proposer une surprenante combinaison de sonorités. Depuis près de 20 ans, ils sillonnent les scènes européennes et séduisent le public avec un répertoire allant de la Renaissance à la musique actuelle à travers des arrangements inédits. Lorsque deux instruments si différents se rencontrent, c’est l’assurance de franchir les frontières des styles et des époques.

À l’occasion de leur concert à venir dans le cadre du festival Souffle de Printemps, nous avons pu nous entretenir avec Vincent Thévenaz.


Saxophone et orgue est une combinaison atypique pour un duo. Comment s’est passée la création Duo W?

Vincent Thévenaz: Vincent Barras avait envie de jouer avec orgue, un peu pour le plaisir. Beaucoup d’instrumentistes aiment jouer dans une acoustique d’église grâce à la réverbération naturelle très agréable. Un de ses professeurs au conservatoire lui a dit de m’appeler. Nous avons essayé deux ou trois choses et nous nous sommes rendu compte que la combinaison des sonorités fonctionnait bien. À partir de là, nous avons cherché les musiques qui nous plaisaient.



Le répertoire pour saxophone et orgue ne doit pas être très riche...?

Le répertoire original pour ce duo est effectivement assez maigre. Il a le mérite d’exister, mais il n’est pas palpitant. Aux débuts du duo il y a près de 20 ans, nous avons essayé les pièces existantes, mais assez vite, nous nous sommes dit: «C’est cool, mais on ne va pas aller très loin avec ça».

Progressivement, nous nous sommes dirigés vers des pièces pour orgue ou piano et un instrument autre que le saxophone, puis vers des œuvres pour instrument avec orchestre.

Il se trouve qu’en inventant ses instruments, Adolphe Sax avait pensé au quatuor à cordes, donc typiquement, le saxophone baryton est adapté au répertoire pour violoncelle. Nous avons notamment enregistré Kol Nidrei de Bruch, et avec le saxophone pour la partie de violoncelle et l’orgue en guise d’orchestre, cela marche super bien!

Les jeux de l’orgue permettent de se rapprocher d’une ambiance orchestrale?

Tout dépend de l’orgue, de sa taille et de ses possibilités, mais il y a quand même toujours moyen de donner une couleur orchestrale avec des flûtes, des trompettes, des jeux plutôt gambés pour donner l’illusion d’instruments à cordes...

Il existe une multitude de possibilités et de combinaisons dans la registration, c’est aussi une des raisons pour lesquelles l’orgue est un instrument fascinant! Cependant, l’idée n’est pas forcément de chercher à reproduire exactement ce que fait l’orchestre et cloisonner la mélodie et l’accompagnement. Nous recherchons des dialogues, des alternances, des couleurs qui s’entremêlent.

Régulièrement, le public réagit en nous disant «nous ne savions plus si c’était le saxophone ou l’orgue». C’est aussi un peu notre plaisir, de camoufler, de mélanger les sonorités au mieux pour ne plus savoir qui est qui. 





En dehors des pièces classiques, on retrouve, dans votre programme, des pièces allant de Tomasi à Queen, en passant par Piazzolla.

Le répertoire ne pourrait pas être plus éclectique. C’est le concept de notre duo. Depuis le début, nous avons tous les deux eu envie de mélanger les styles, de faire un peu de tout.

Le saxophone est connoté un peu jazz, et pour l’orgue c’est tout le contraire: dans l’imaginaire, il est destiné à la musique d’église. Se mettre des limites artificielles, ce n’est pas ce que nous voulions faire. Nous voulions aller là où on ne nous attendait pas. Ce qui est fascinant avec la combinaison des deux instruments, c’est que cela marche dans énormément de styles, et nous pouvons faire vraiment beaucoup de choses.

Depuis quelques années, nous avons élargi nos horizons en s’autorisant des arrangements de musiques actuelles, que ce soit de la pop ou du rock. L’objectif est de faire des choses que nous aimons. Nous jouerons effectivement du Mozart ou du Tomasi ou Fauré, mais le public pourra aussi entendre l’incontournable The Show must go on de Queen ou du Domenico Modugno.

Nous présenterons aussi un hommage à Tom Jobim qui n’est pas un simple arrangement: il y a une part de création, de composition, d’improvisation... Nous nous amusons beaucoup avec le répertoire. 





Lors de sa formation, un organiste est moins en contact avec d’autres styles qu’un saxophoniste. Quand avez-vous eu l’envie de sortir de ce carcan pour explorer d’autres univers?

C’est vrai que j’ai un bagage complètement classique au départ. Au collège, j’avais des camarades de classe qui faisaient du jazz et qui avaient cette capacité à se mettre à leur instrument sans partition. Pour moi, c’était une claque, parce que je m’asseyais à l’instrument et je ne pouvais rien faire. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose de pas normal, et j’avais envie d’avoir ce rapport assez libre et direct avec la musique, sans avoir sans cesse besoin de la partition.

À partir de là, je me suis intéressé à l’improvisation, j’ai exploré d’autres styles, écouté beaucoup de choses. J’ai pris des cours qui ne faisaient pas partie de mon cursus, mais que j’ai pu suivre parce que j’en avais vraiment envie, comme la batterie, le chant, le piano jazz, les tablas indiennes.... J’ai complété mon bagage pour avoir cet équilibre.

Maintenant, c’est plus facile pour un étudiant d’entrer en contact avec d’autres musiques: la HEM propose notamment des cours de jazz, de musiques traditionnelles...

Pour Vincent, c’est presque le phénomène inverse: en tant que saxophoniste, la facilité c’est d’aller vers le jazz, parce qu’au niveau de l’embouchure, le contrôle est moins strict. Un saxophoniste qui ne pratique pas le jazz, cela n’existe presque pas. Lui, il a poussé très loin ses études classiques et il a une parfaite maîtrise de l’embouchure qui lui permet de jouer de tout.

Est-ce que vos programmes suscitent parfois des réticences de la part de personnes attachées au concert classique?

À nos débuts, il est arrivé que des organisateurs, sans même avoir écouté, nous disent «cette combinaison, on ne peut pas». En dehors du programme, ils avaient des réticences sur l’association du saxophone et de l’orgue.

Aujourd’hui, les choses évoluent et les organisateurs savent que le public est très friand de ce genre de choses. Quand ils nous invitent ou nous réinvitent, ils savent que nos programmes plaisent, d’autant plus que nous avons l’habitude de présenter les pièces, raconter une histoire... Le concert n’en est que plus vivant et le contact plus riche avec le public. C’est tout un ensemble de choses qui en fait l’appréciation.

Ce n’était évidemment pas la même chose dans un passé pas si lointain: 20 ou 25 ans en arrière, il était presque de bon tout pour un musicien classique de dire qu’il n’écoutait pas de la pop, ou un autre style. Alors en jouer... De nos jours, plus un seul étudiant «classique» est éloigné des musiques actuelles.

C’est ancré dans notre temps, tout le monde en écoute à différentes doses et c’est beaucoup mieux perçu.

Propos recueillis par Sébastien Cayet


Duo W
Samedi 13 avril 2024, 18h00, Auditoire Calvin, Genève

Vincent Barras, saxophone Vincent Thévenaz, orgue

Programme:
Astor Piazzolla, Adios Nonino (saxophone soprano et orgue)
Wolfgang Amadeus Mozart, Variations du Quintette avec clarinette KV 581 (saxophone soprano et orgue)
Domenico Modugno, Volare (Nel blu, dipinto di blu) (saxophone soprano et orgue)
Gabriel Fauré, Pavane (saxophone baryton et orgue) Vincent Thévenaz (arrangements), Unos tanguitos (saxophone baryton et orgue)
Queen / Freddie Mercury, The show Must go on (saxophone baryton et orgue)
Henri Tomasi, Ballade (saxophone alto et orgue) Vincent Thévenaz (arrangements),
Hommage à Tom Jobim (saxophone alto et orgue)


Dans le cadre de Souffle du Printemps