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Cette semaine au Grütli, Tout ira bien

Publié le 16.02.2015

 

Jérôme Richer évoque les questions d’exclusion

 

Habituée au Théâtre Saint-Gervais où elle est en résidence depuis 2009, la Compagnie des Ombres fondée par Jérôme Richer en 2005, prend place pendant quelques jours au Théâtre du Grütli à Genève pour sa nouvelle création. C’est que la thématique de la nouvelle pièce de Jérôme Richer s’inscrit complètement dans la ligne de la saison du Grütli : le déplacement, l'exil, la frontière, etc. Tout ira bien, titre de ce spectacle, s’empare de la question rom. La question rom, mais aussi la situation des Yéniches, et plus largement celle des communautés exclues de manière générale.

 

 

 

Tout ira bien s’annonce aussi comme une réflexion sur les frontières territoriales. Le metteur en scène y voit « la volonté d’interroger notre rapport à la communauté à travers une réflexion sur la place des Roms en Europe. C’est l’histoire de ceux du dedans et de ceux du dehors. De nous et les autres. Comment la communauté humaine se fonde-t-elle ? Sur quels principes ? Est-ce sur un projet commun ? Un idéal qu’elle cherche à atteindre ou prend-t-elle appui pour affirmer son existence sur un groupe social qu’elle choisit (délibérément ou non) d’exclure ? » Bref, un sujet au cœur de notre actualité comme le metteur en scène genevois en a l’habitude. « C’est une question qui m’a déjà agité à travers un spectacle en 2008, La ville et les ombres, qui s’intéressait à l’évacuation d’un squat à Genève pour mieux se pencher sur notre rapport au vivre ensemble… » A noter que Jérôme Richer a reçu, pour l’écriture de ce nouveau texte, une bourse culturelle de la Fondation Leenaards ainsi qu’une bourse d’aide à la création de la Ville de Genève en 2012. Jérôme Richer pense que « nous avons tous une histoire avec les Roms / Je veux dire / Nous avons tous une petite anecdote personnelle à raconter où les Roms jouent un rôle important. » C’est par ces mots que commence le texte de Tout ira bien.

 

Avec une partie vidéo, cinq comédiens sur scène et ce texte sur-mesure, la pièce se déroulera dans un décor sobre. Comme le metteur en scène le dit lui-même. « Disons que j’ai choisi d’être dans une dynamique propre aux Roms d’Europe de l’Est et des Balkans qui viennent à l’ouest et font de la récupération. Alors je reprends des éléments de décors de certains de mes précédents spectacles ainsi que d’autres du metteur en scène Eric Salama avec lequel je partage depuis plusieurs années un local de répétitions. La pièce reposera essentiellement sur les acteurs. Sur la qualité de leurs présences en scène. » Sur le plateau du Grütli, le public retrouvera les acteurs Vincent Bonillo, Fanny Brunet, Mathias Glayre, Frédéric Mudry et Marcela San Pedro.

 

 

L’équipe du Théâtre du Grütli rapproche également cette création d'une formule que l’on doit à Romain Gary : « Je suis à priori contre tous ceux qui croient avoir absolument raison. (...) Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales. Prenez une vérité, levez-la prudemment à hauteur d'homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu'est-ce qu'elle épargne, qu'est-ce qu'elle rejette, sentez-la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en gardant un bon moment sur la langue – mais soyez toujours prêts à recracher immédiatement. C'est cela, la démocratie. C'est le droit de recracher. »

 

Une pièce en trois parties

La première partie de la pièce s’intitule Debout, c’est toujours mieux qu’assis et s’inspire des procédés du stand-up. Un homme seul est face au public et raconte un certain nombre d’anecdotes, d’événements liés à sa vie où les Roms ont une place. Cette partie s’annonce drôle mais surtout ancrée dans des sphères intimes.

 

La deuxième partie est inspirée d’un événement qui s’est déroulé en Valais, à Colombey-Muraz, au cours de l’été 2012. « Un groupe de gitans, venu essentiellement de France, s’était installé, a priori sans véritable autorisation, dans un champ pour célébrer le mariage de deux mineurs », raconte le metteur en scène. « Très vite, la presse s’est emparée de l’affaire sans oublier les réseaux sociaux qui se sont constitués en groupe pour ou contre les Manouches. Des questions très fortes liées à la terre, à la possession de la terre ont été soulevées. Il y a eu un véritable climat de tension autour de ce mariage avec le recours aux habituels poncifs négatifs sur les gitans. Sans compter que dans cette histoire, les gitans sont loin d’être des victimes innocentes. Puisqu’ils ont joué la carte du nombre pour imposer leur présence sur le champ du paysan. Ce mariage, et tout ce qui l’entoure de près ou de loin, est représentatif, selon moi, de notre rapport aux Roms actuellement en Europe. C’est la partie qui est la plus ancrée dans le genre du théâtre documentaire, ou plutôt documenté comme je préfère le dire. J’ai procédé à un important travail de recherche en amont. Essentiellement dans les journaux, mais aussi sur les blogs et les forums. »

 

Quant à la troisième partie de Tout ira bien, elle concerne la communauté Jenische suisse basée pour l’essentiel en Suisse alémanique. Le metteur en scène s’est intéressé « aux enfants Jenisches enlevés de leurs familles pour être placés dans des familles non Jenisches ou des établissements d’accueil. Il s’agissait d’éradiquer le mode de vie nomade et les éduquer au travail. »

 

Cécile Gavlak

 

Tout ira bien, du 17 février au 8 mars au Théâtre du Grütli à Genève. Renseignements au +41 22 888 44 84 ou sur le site du théâtre www.grutli.ch

Autour du spectacle :
> Mercredi 18 février à 18h30 : Les blessures enfouies d’un Tsigane français - Rencontre avec Raymond Gurême, dernier survivant d'un camp d'internement tsigane en région parisienne.
> Jeudi 5 mars à l’issue de la représentation : Démocratie : l’enjeu émotionnel - Rencontre avec Frédéric Minner, sociologue au Centre interfacultaire en sciences affectives.

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