Publié le 05.12.2022
Comment réparer une petite voiture? La méthode consistant à la confier aux acrobates et artistes circassiens du Cirque La Compagnie n'est peut-être pas la plus conseillée. Mais sous chapiteau, c'est certainement la plus drôle et le plus spectaculaire. Chacune et chacun, seul-e, accompagné-e ou en famille (dès 5 ans), est invité à se faire sa propre idée en assistant à Pandax, du 6 au 17 décembre sur le parking du Centre sportif des Vergers, à Meyrin.
Le spectacle présente les aventures de cinq frères, qui ne se connaissent pas, bien qu'ils soient tous entassés dans une (petite) voiture. Comme cela ne semble pas très clair, nous avons demandé l'aide à l'un des artistes, Boris Fodella. Reprenons.
Le spectacle présenté narre les aventures de cinq frères.
Boris Fodella. Oui. Ils sont nés de quatre mères différentes, ils n’ont pas grandi ensemble et ne se connaissent pas. Leur seul lien est paternel. Par testament, ce père leur a demandé de se regrouper pour la cérémonie des adieux, puis d’aller ensemble, vider l’urne funéraire dans un lieu non-précisé mais qui exige un voyage en voiture. Le public les découvre sur la route. La voiture tombe en panne.
Il n’y a pas de règle. Pour ce spectacle, nous sommes parti de la dramaturgie, alors que nous avions fait le contraire pour le précédent. Nous avons donc imaginé cette histoire, puis travaillé à la rendre circassienne.
Sans dialogues, sans mots, l’exercice semble aussi périlleux qu’un triple saut depuis le cou d’une girafe. Est-ce une discipline enseignée dans les écoles de cirque?L’option sans dialogue est un défi technique que nous nous sommes lancés… Cela correspond aussi à la vocation internationale de ce spectacle, qui doit tourner en Europe, et pas seulement dans les pays francophones. La conséquence, c’est que la compréhension doit passer par le corps, le geste, par le cirque.
Et pour le scénario?Nous avons engagée Nicole Lagarde en qualité de co-metteure en scène. Elle a travaillé pour le cinéma et le théâtre. Son regard était très important pour nous. Il fallait que le spectacle demeure intéressant du point de vue du rythme. Et que le jeu entre les pics d’intensité et les moment plus poétiques soit maîtrisé.
Dès le début du projet, nous avions pris cette décision d’intégrer à l’équipe un.e professionnel.le de la mise en scène impliqué.e dans le développement du projet, par opposition à un «oeil extérieur» à temps partiel. C’est avec elle que nous avons pu écrire et éprouver cette histoire.
L’un des thèmes est le deuil dans la famille. Mais le spectacle raconte bien davantage la construction de la relation qui va se nouer entre les frères. Humour, acrobaties et risques sont les marqueurs de ce spectacle.
La voiture en panne au milieu de nulle part est un prétexte, une excuse pour que tout ce qui sera tenté pour la faire redémarrer avec les moyens du bord. Cela nous amène à passer par dessus, par dessous ou d’y rentrer de différentes façons, disons inhabituelles. Et comme les frères ne sont pas toujours d’accord entre eux, il va y avoir des scène de disputes chorégraphiées de manière acrobatique.
Nous ne voulons pas tout dévoiler, mais une question tout de même: est-il conseillé de vous confier une voiture à réparer?
Je ne pense pas. Nous risquons de la casser davantage que de la réparer. La voiture du spectacle subit quelques dégâts. Nous abordons la réparation plutôt par l’absurde. Dans un numéro, nous nous aventurons dans les domaines de l’alpinisme et de la spéléologie, rarement mis en pratique chez les réparateurs de voiture traditionnels.
Comment les caractère des personnages sont-ils définis?Ce n’est pas ce qui nous a pris le plus de temps. La metteure en scène nous a lancé dans des improvisations pour voir des traits de caractère que nous dégagions spontanément, et nous avons travaillé à les développer. Nous ne sommes pas dans des rôles de composition.
Abordez-vous un nouveau spectacle avec vos acquis. Ou essayez-vous toujours d’étendre votre palette?Chacun de notre côté, nous avons acquis un bagage technique dans différentes écoles de cirque - chacun avec sa ou ses spécialités. Mais pour un spectacle, nous avons toujours envie, ensemble, de nous surpasser. Sans perdre de vue que tout nouveau challenge doit aussi, au delà de la technicité requise, représenter un intérêt pour le public.
Par le passé, nous avons combiné des acrobaties avec la bascule coréenne et le mât chinois. Avec Pandax, nous ajoutons la voiture et la mobylette, ce qui donne lieu à des figures qui sont vraiment cool à réaliser, et aussi à voir!
Surtout l’émerveillement. Avec des figures qui sont compliquées à exécuter, mais sans que le public le réalise vraiment. Notre idéal est de faire passer la prouesse acrobatique de manière fluide, incorporée dans l’histoire. Il ne faut pas que le public réagisse en se disant que ce que nous faisons est rudement difficile, mais qu’il reste dans l’histoire qu’on lui raconte. Il faut que tout soit entremêlé pour que l’acrobatie produise un peu de peur, de la surprise, et provoque parfois le rire.
C’est donc le contraire du cirque traditionnel où l’acrobate peut faire semblant de rater une figure, pour faire monter la tension avec une deuxième tentative réussie.Il nous arrive d’en passer par là, mais toujours malgré nous! Il est vrai que le public s’enflamme davantage quand vous réussissez une acrobatie qui s’est d’abord refusé à vous. Et il est tentant d’avoir recours à cette ficelle. Mais ce n’est pas notre vision du cirque.
Vous vous produisez avec un orchestre?Avec trois musiciennes. Elles jouent sur une plateforme, et traversent parfois le plateau. C’était une autre envie très forte pour ce spectacle. Une musique composée spécialement pour Pandax et interprétée en direct. Il y a un évident supplément d’énergie, des interactions en direct. Il peut y avoir une part d’improvisation, mais sur des petits détails. Chaque représentation est différente, mais cela reste un spectacle qui est très écrit. Avec huit personnes, il faut que tout soit précis.
Vous vous êtes rencontrés à l’École nationale de cirque de Montréal. Votre compagnie est-elle une histoire d’amitié?Oui. Nous nous sommes retrouvés expatriés à l’autre bout de l’Atlantique. Nous avons commencé par être colocataires. Nous avons discuté, déliré, puis est née l’envie de créer une compagnie, et d’avoir peut-être un jour notre propre chapiteau. Le rêve date d’une petit dizaine d’années, et maintenant nous y sommes!
Propos recueillis par Vincent Borcard