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Offenbach au Grand Théâtre de Genève

Publié le 15.12.2014

 

« La Grande-Duchesse de Gérolstein ne ressemble à personne »

 

Toujours aux commandes de productions d’envergure, l’inépuisable Laurent Pelly, 52 ans, revient à Genève pour présenter La Grande-Duchesse de Gérolstein, opéra-bouffe en trois actes signé Jacques Offenbach. Aux côtés du chef d’orchestre Franck Villard, le metteur en scène français a ficelé cette parodie militaire, à partir d’une guerre imaginaire entre absurde et cruauté. Le chœur du Grand Théâtre, dirigé par Alan Woodbridge, et l’Orchestre de la Suisse romande font partie de la distribution. Dans cette pièce de 1867, le personnage de la Grande-Duchesse est propulsé sur le trône sans savoir gérer le pouvoir qui lui revient. Pour remédier à son ennui, l’entourage de la Grande-Duchesse se fond dans un gigantesque ballet militaire pour satisfaire le « tyran en jupon ». Co-directeur, avec Agathe Mélinand, du Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, Laurent Pelly est un habitué du théâtre lyrique et a monté des dizaines de pièces jouées dans les lieux les plus prestigieux. Entretien.

 

Laurent Pelly, vous aviez déjà monté La Grande-Duchesse de Gérolstein de Jacques Offenbach, en 2004, au Théâtre du Châtelet. Pourquoi reprendre cette pièce ?

 

C’est un désir du Grand Théâtre de Genève de présenter ce spectacle. Plus qu’une reprise, je dirais que c’est une recréation. Les décors et les costumes ont changé. Et les personnalités des chanteurs sont différentes. Les spectacles que je crée tournent souvent huit, dix ou douze ans... Nous n’avions pas pu tourner avec La Grande-Duchesse de Gérolstein en 2004, car le directeur du Théâtre du Châtelet avait changé. Pour toute l’équipe, c’est un grand plaisir de le rejouer car nous aimons beaucoup cet opéra.

 

Quelle en est votre nouvelle lecture dix ans plus tard ?

 

En 2004, lors de la première version, j’avais déjà monté trois pièces d’Offenbach. Depuis, j’en ai monté neuf autres, composées par le même homme. Mon regard s’est affiné, aussi musicalement… Entre la première version et aujourd’hui, j’ai monté entre 25 et 30 opéras ! J’ai donc redécouvert la pièce. Le rapport à la folie du personnage principal a évolué. La Grande-Duchesse (jouée par Ruxandra Donose) est devenue plus féroce, moins gentille que dans la première version. Ceci est dû à l’actualité, mais aussi à mon âge et aux interprètes qui portent la pièce. Jean-Philippe Lafont, qui joue le Général Boum, est aussi plus féroce que celui de la distribution de 2004. Le fait d’avoir déjà monté La Grande-Duchesse de Gérolstein me permet d’approfondir le contenu des personnages, sans avoir l’angoisse de la nouveauté de la création.

 

 

 

Vous avez dit qu’Offenbach faisait partie de vos racines de théâtre. En quoi ?

 

Je connais Offenbach depuis l’enfance car il fait partie de ma culture familiale. J’ai toujours aimé le théâtre musical. Quand j’étais directeur du Centre dramatique national des Alpes de Grenoble, le directeur de l’Orchestre de chambre de Grenoble et moi avons monté Barbe-Bleue, puis Orphée aux Enfers qui était co-produit par le Grand Théâtre de Genève. Ce que j’aime, dans les comédies d’Offenbach, c’est qu’elles sont à la fois poétiques et belles. La plupart du temps, sa musique est complètement échevelée. Ses pièces sont folles, absurdes, très inventives, burlesques. J’aime beaucoup ce registre. Parmi toutes les pièces que j’ai montées depuis trente ans, je dirais que les deux tiers sont des comédies. Ce qui m’intéresse c’est de toucher à tout, d’aborder des univers très différents. Moi, je me considère comme un interprète, avant tout au service d’une œuvre que j’aime.

 

Dans quelle mesure La Grande-Duchesse de Gérolstein se situe à part dans l’œuvre d’Offenbach ?

 

La Grande-Duchesse de Gérolstein est un monde, qui se situe entre Ubu et le Baron de Münchhausen. C’est absurde. Les protagonistes inventent une guerre pour désennuyer la Grande-Duchesse, pour l’empêcher d’avoir des idées, politiques ou sentimentales. Elle est obsédée par les militaires, mais pas comme le voudraient les hommes qui l’entourent… Elle est à la fois un tyran, prête à faire exécuter des gens à qui mieux mieux, et à la fois une adolescente avec des caprices… C’est un clown, en même temps qu’un personnage pathétique, à la fois malheureux et comique. Elle ne ressemble à aucun autre personnage. Il y a aussi une élégance en elle, et elle interprète de très beaux airs sentimentaux. C’est une pièce qui parle de la bêtise des hommes. Les personnages ne sont vraiment pas intelligents. Celui de Fritz, par exemple, dont la Grande-Duchesse est amoureuse, est un paysan abruti. Que ce soit des aristocrates ou pas, ils sont tous stupides. Le chœur, qui représente la masse, y compris. C’est là où il y a un lien avec Ubu. C’est une pièce sur le pouvoir, et sur l’amour.

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

La Grande-Duchesse de Gérolstein, jusqu’au 31 décembre au Grand Théâtre de Genève - www.geneveopera.ch
Chanté en français avec surtitres anglais et français.

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