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Le coeur luxuriant du Grütli

Publié le 27.06.2019

 

Barbara Giongo et Nataly Sugnaux Hernandez ont présenté leur deuxième saison – 2019/2020 – à la tête du Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants, fin juin. Un grosse vingtaine de spectacles sont au programme, dont une moitié de création. Premier rendez-vous du 7 au 9 septembre avec Bleu, de Anna Lemonaki (en collaboration avec La Bâtie – Fesival de Genève).

Depuis l’arrivée des nouvelles directrices, l’institution s’est mise au service des artistes. En ouvrant notamment un Bureau des compagnies, à la fois espace de coworking et permanence ouvert tous les lundis aux artistes, pour répondre aux interrogations philosophiques, pratiques et administratives des jeunes et très jeunes compagnies. Cet élan a-t-il un impact sur la programmation? Réponse, oui. Et non!

 

 

 

Le Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants -, est-il devenu une institution de la jeune création. Les tenants du oui peuvent argumenter qu’il est partie prenante de C’est déjà demain – CDD.NEUF en 2019/2020 - le festival des premiers projets et deuxième projets lancé par le Théâtre du Loup (qu’ont également rejoint le Théâtre Saint-Gervais et L’Abri). Et des spectacles ou des maquettes de jeunes créatrices et créateurs passés par ce festival se retrouvent à l’affiche de la saison. C’est le cas de Ouverture nocturne (20 avril au 3 mai 2020), de Lucile Carré, en création. Le spectacle s’empare du thème de la nuit, son univers festif et excessif, la vie et les émotions propres à la nuit.

 

Projet geek

Le complexe de l’hôtesse de l’air (du 18 au 21 novembre), présenté ce printemps à CDD.8 au Loup, sera aussi de la partie. Selon Barbara Giongo et Nataly Sugnaux Hernandez, qui parleront ici d’une seule voix, «Alexandra Camposampiero pose des questions comme "Qu’est-ce que c’est que d’être convoitée, abordée, touchée…" Cela dénonce sans dénoncer, cela peut être assez violent, à la fois direct et doux. Cela permet aussi de découvrir Alexandra Camposampiero, une comédienne qui nous emballe». Toujours via CDD.8, Be Arrielle F. (en janvier* 2020), de Simon Senn. «Il a acheté un corps numérisé, l’essaie, rentre en contact avec la personne qui a ainsi vendu son coprs. C’est un projet geek, mais on oublie très vite la technologie: l’humain et l’organique ressortent.»

 

 

Donc le Grütli plébiscite les jeunes créatrices et créateurs. Sauf qu’en fait, non! «Ce n’est pas une saison de premiers et deuxièmes projets», ont insisté les directrices. Ce sont les projets et les spectacles qui ont guidé nos choix.» Et non l’âge ou l’état des CV des artistes. La preuve avec l’accueil du spectacle Les Italiens (du 11 au 15 décembre), de Massimo Furlan, vu à Vidy. Des histoires d’immigrés italiens en Suisse. «Mais cela ne concerne pas que les Italiens, nous avons tous quelque chose de migrant en nous. Et ces papys, qui ne sont pas comédiens, sont bouleversants.»

Le Grütli ne cède pas non plus exactement au jeunisme en proposant, dans le cadre de La Bâtie Rétrospective (le 10 septembre), de Jérôme Bel. Le chorégraphe avait réalisé des pièces biographiques pour des danseurs et danseuses. Il renouvelle l’exercice, à partir d’images d’archives filmées, sur le mode autobiographique.

 

Le retour du hibou

Au fil de la conférence de presse, Barbara Giongo et Nataly Sugnaux Hernandez ont fait preuve d’enthousiasme pour évoquer des accueils, tel Hulul (du 5 au 10 novembre), d’Aurélien Patouillard, spectacle tout public, dans lequel un hibou fait visiter sa maison. «Marion Duval est incroyable dans ce rôle. Nous avons vu ce spectacle dans une école, devant 150 enfants qui hurlaient, c’était génial!» Emois aussi pour Grand Ecart (du 19 au 21, puis du 26 au 28 septembre), de Kiyan Koshoie, qui ouvre sur les coulisses de la danse contemporaine. «C’est un solo sans danseur! Il propose une galerie de portraits. C’est à la fois dur et joyeux, énergique. Il explique finalement pourquoi il continue tous les matins. Il y a un côté One man show

Un élément marquant est la présentation d’une trilogie d’Anna Lemonaki, créatrice genevoise qui trace un chemin très personnel entre performatif, danse et narration. Les deux premiers panneaux, Bleu (du 7 au 9 septembre) et Fuchsia Saignant (du 8 au 12 septembre) seront re-présentés dans le cadre de La Bâtie. La création du troisième, Blanc (en mai* 2020), abordera les thèmes de la séparation et de la mort.

 

La saison de la robe

Un autre spectacle pas du tout comme les autres sera Madame De ( juin 2020*), de Valentine Savary et Fabrice Hugler. A l’origine, la première, costumière, se propose de recréer à l’identique une robe du XVIIIe siècle, en l’occurrence celle de Madame d’Epinay, femme de lettres peinte par Jean-Etienne Liotard à l’occasion d’un séjour à Genève. Le spectacle mettra en scène l’habillage d’une dame du XVIIIe (et une réflexion sur l’époque, et la féminité à l’époque). Au fil de la saison, l’événement aura aussi pour cadre le 2e étage du Grütli, où sera installé l’atelier de couture, ouvert au public. Diverses animations seront proposées, rencontres autour du textile, du corps de la femme, de la mode hier et aujourd’hui.

L’appellation de Centre de production et de diffusion des Arts vivants n’est certainement pas usurpée par le Grütli, une bonne moitié des spectacles proposés étant des créations. Coeur Luxuriant et Atteint ( du 30 octobre au 17 novembre), de Mathias Glayre, focalise sur les moments de trouble qui peuvent amener à avoir des bouffées de haine au supermarché ou au volant. S’emparant du phénomène, le personnage se confronte à son double, dans un spectacle qui présente une part d’autofiction.

 

 

Du 22 janvier au 1er février 2020, Fire Of Emotions: Palm Park Ruins de l’auteure et performeuse Pamina de Coulon prend le chemin du jardin, du retour à la terre, pour une approche très originale des aspirations à davantage d’écologie domestique.

 

De nombreuses créations

La luxuriance est dans le coeur et dans le jardin, elle est aussi dans le programme du Grütli, abondance qui ne permet pas d’évoquer ici tous les spectacles qu’ils soient en accueil ou en création. Nous terminerons donc avec deux créations. Louis(e) (février, mars* 2020), de Trisha Leys et Rachel Gordy, qui interroge le statut de créatri-CE. Les auteures imagine un double masculin chargé de présenter, d’endosser leur œuvre. Le projet bénéficie d’une résidence au Grütli.

Avec Nous/1 (du 16 au 20 et du 24 au 28 mars 2020), Fabrice Gorgerat partage un trouble profond - «Le 12 juin 2016, le massacre d’Orlando, premier massacre homophobe de masse, m’a déchiré». En cause, l’explication, très tôt formulée et reprise à l’échelle de la planète du «tueur homosexuel refoulé». L’horreur, l’explication qui arrange tout le monde, deux vertiges qu’il fallait mettre en scène.

Le programme complet et ses éclairages sont bientôt à découvrir sur le site www.grutli.ch

 

Vincent Borcard

 

*Pour certains spectacles agendés en deuxième partie de saison, les dates ne sont pas encore fixées

www.grutli.ch/

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