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L’éternelle jeunesse du Loup

Publié le 10.07.2015

 

« La génération des trentenaires présente sa vision du théâtre, un type de langage différent sur le plateau, une autre manière de faire »

 

Le Théâtre du Loup naissait il y a vingt ans au bord de l’Arve, à Genève. Un « petit coin de culture » débordant d’une énergie folle et d’un inépuisable souffle de jeunesse. A l’image aussi de son incontournable jazz band, le FanfareduLoup Orchestra. Fort d’une école de théâtre, d’un festival de jeunes compagnies et de spectacles estampillés P’tits Loups, le collectif d’artistes à l’origine du lieu ne s’arrête pas là. Cette année, il a placé la jeunesse dans sa ligne de mire par les thématiques des pièces abordées et les compagnies invitées à créer. Zoom sur la nouvelle saison avec Rossella Riccaboni, l’un des cinq piliers du théâtre.

 

 

Au Loup cette année, il y aura toujours beaucoup de théâtre et de grands rendez-vous musicaux non ?

La programmation est variée, avec un mois de décembre très dansant. L’an passé, on s’est rendu compte que Tremé créait vraiment du lien. Juste avant Noël, ça a fait du buzz. Le public pouvait danser. Nous reprendrons ce spectacle du FanfareduLoup Orchestra juste après la venue de l’Orchestre Saint-Pierre Fusterie avec ses quarante-cinq musiciens pour notre grand bal masqué.

 

Vous ouvrez les feux à la rentrée avec Eldorado de Laurent Gaudé sur le drame humain de l’immigration monté par Patrick Mohr. Pourquoi vient-il créer chez vous plutôt qu’à La Parfumerie voisine, à laquelle il est associé ?

Patrick Mohr avait besoin d’un très grand plateau. Eldorado est un projet d’amplitude avec beaucoup d’acteurs, du chant, de la musique. Ils seront une quarantaine de comédiens sur scène. La pièce aborde la question des réfugiés, un texte « d’actualité » écrit pourtant il y a plus de dix ans.

 

Après avoir accueilli un grand nombre de compagnies l’an passé, pour beaucoup des jeunes compagnies, vous présentez tout de même quatorze spectacles cette saison…

Oui, nous allons essayer de devenir raisonnables ! On revient à quatorze propositions, contre vingt-et-une l’an passé. Ce qui nous permet de programmer les pièces plus longtemps. Nous sommes aussi un théâtre de création et non un théâtre d’accueil. A l’exception du Problème d’après Marcel Aymé mis en scène par Juliette Ryser, quatre jours à l’affiche dans le cadre des P’tits Loups, dix à quinze représentations sont prévues par spectacle. On y verra un vaste éventail de propositions en lien avec la jeunesse. C’est cela qui fait notre marque de fabrique.

 

Le Théâtre du Loup continue ainsi d’accorder une grande place aux jeunes, dans les thématiques abordées et dans le choix des interprètes, souvent de la relève.

Oui, nous y avons toujours été attentifs. De notre école de théâtre sont sortis pas mal d’élèves ayant ensuite rallié La Manufacture. Comme Adrien Barazzone, qui fait partie du comité de direction et de programmation - aux côtés d’Eric Jeanmonod, Sandro Rossetti, Pauline Catry et moi-même. Il appartient à cette génération de trentenaires qui présente sa vision du théâtre, un type de langage différent sur le plateau, une autre manière de faire. C’est déjà demain (festival pluridisciplinaire de jeunes compagnies, ndlr) et Tristesse Animal Noir sont à l’écoute de cette génération-là.

 

Justement, cette pièce signée de la jeune dramaturge allemande Anja Hilling, c’est donc une histoire sur et par la jeunesse ?

Tristesse Animal Noir est une prise de risque. Le Collectif Sur un malentendu est un collectif un peu « allumé » que nous aimons bien. Ils avaient monté Les Trublions de Marion Aubert au Théâtre du Grütli il y a deux ans. En les accueillant, l’idée est aussi d’aider les jeunes compagnies ayant une création à leur actif à pouvoir continuer de créer. A Genève, hormis le Théâtre Saint-Gervais et le Grütli, il y a peu d’espaces pour cela.

 

 

On pourra aussi découvrir D’acier, une pièce emblématique de cette jeunesse que nous évoquions ?

Robert Sandoz est un metteur en scène de cette génération de trentenaires, voire un peu plus âgé. Quand il était venu présenter Le Combat ordinaire il y a quelques années, je lui avais parlé d’une vraie découverte faite en Italie en lisant D’acier. Sylvia Avallone, jeune auteure d’à peine 25 ans, avait gagné des tas de prix. Dix jours plus tard, il avait lu l’ouvrage et voulait l’adapter pour le théâtre. Le texte est très beau du point de vue de la langue. On voit grandir deux adolescentes prises dans l’immobilité d’une petite ville industrielle qui périclite, en face de l’Ile d’Elbe, le lieu où l’on rêve d’aller. Le regard sur l’Italie des années 1980 y est vif, percutant. On retrouve sur le plateau de superbes comédiens, qui sont assez jeunes. Robert Sandoz a fait là un très beau travail d’adaptation.

 

La nouvelle pièce montée par Yvan Rihs, qui met en scène un gamin et un vieillard, portera également un regard jeune sur le monde.

Je suis son travail de metteur en scène depuis un moment. Yvan Rihs a une manière très particulière de prendre en charge la langue. On l’a vu sur Cinq jours en mars, sa dernière création. Les Aventures de Huckleberry Finn est « le » chef-d’œuvre de Marc Twain. Un roman d’aventure qui raconte un passage de vie. C’est la pièce que nous avons choisie sur les trois proposées dans le cadre du projet des « Belles complications » initié par le TPR à la Chaux-de-Fonds, avec qui nous collaborons.

 

 

Idem avec Naissance, une création de Sarah Marcuse d’après Karen Brody.

Sarah Marcuse fait partie de ceux qui reviennent presque quinze ans après leurs débuts au Loup. Elle présentait Karaoké funèbre et Luna Parc au moment de la création du théâtre. Son nouveau projet convoque six comédiennes sur le plateau, sur le thème de la naissance. Elle prend comme prétexte le texte d’une auteure américaine.

 

L’équipe du Loup reprend Recherche éléphants, souplesse exigée, d’après Russel Hoban, où jouent aussi des jeunes de votre école. Une pièce mythique pour vous ?

Cette histoire nous appartient totalement. Le spectacle a été créé il y a vingt-quatre ans, sous chapiteau, à Vidy. Puis nous l’avions repris il y a vingt ans au moment de la construction du théâtre, ainsi qu’en 2014. L’architecture du Loup a été conçue en fonction, pour que le camion puisse entrer sur le plateau ! Lola Riccaboni y jouait la petite souris à l’époque. Aujourd’hui, elle tient le rôle de la vieille dame. C’est un joli parcours… Et je ne dis pas cela parce que c’est ma fille ! La pièce s’adresse à toutes les générations. Elle raconte comment on peut se renouveler à chaque moment de notre vie. A l’image de notre « petit coin de culture » au bord de l’Arve…

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Découvrez toute la saison du Théâtre du Loup sur leprogramme.ch ou sur le site www.theatreduloup.ch

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