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Genève : concerts à ciel ouvert

Publié le 16.06.2015

 

Sous les étoiles, des légendes du jazz et d’ailleurs

 

Avec ses trente-huit concerts open air pour beaucoup gratuits, le festival genevois Musiques en été poursuit sa route jusqu'au 19 août prochain. Si le jazz, le classique et l’opéra tiennent le haut de l’affiche en Vieille Ville, la Scène Ella Fitzgerald accueille des stars venues d’ailleurs au parc La Grange. Le « jazz cosmique » du mythique Sun Ra Arkestra y est aussi très attendu. Entretien avec Nelson Schaer, programmateur jazz, et Jakob Graf, en charge des « musiques colorées ».

 

On l’attrape au bout du fil avant qu’il parte en tournée avec son groupe Duck Duck Grey Duck, qui passera par Paléo dans quelques jours (le 23 juillet). Nelson Schaer est batteur, mais pas que. Depuis deux saisons, il programme la scène Jazz de Musiques en été avec le saxophoniste et chanteur à la voix de crooner Ernie Odoom, soit sept dates sur les trente-huit de cette édition. « On se complète bien, toutes les décisions sont prises à deux », relève-t-il de bon matin. C’est que les deux musiciens ont prévu cet été la venue de très grandes têtes d’affiche à Genève.

 

Dans l’intimité de la Cour de l’Hôtel de Ville qui abrite aussi les concerts classiques et l’opéra, on retrouvera le grand maître de la guitare Bill Frisell lundi 20 juillet dans un concert hommage aux guitaristes des années 1950 et 1960. Place ensuite, le 27 juillet, au trompettiste Roy Hargrove et son quintet. On découvrira aussi des groupes de musiciens européens moins connus comme Sons of Kemet, qui se produira en version acoustique le 3 août. Un quartet dont le leader, Shabaka Hutchings, a grandi entre la Barbade et l’Angleterre. Ses influences vont du folklore caribéen aux musiques et au jazz sud-africains, en passant par les musiques actuelles qu’on retrouve à Londres, y compris le dubstep. « On les a vus l’an passé au London Jazz Festival. C’est un peu notre coup de cœur. Ils ont une énergie incroyable », s’enthousiasme Nelson Schaer.

 

Dans une autre veine, il a aussi été séduit par la pulsation swing et l’influence « west coast » des Allemands et Néo-Zélandais de Root 70 with Strings. « Ce sont des musiciens virtuoses qui ne jouent pas en force mais tout en finesse dans un registre feutré », relève le programmateur. Particularité de ce quartet à découvrir le 10 août, il rencontrera un trio à cordes avec violon, alto et violoncelle, ce qui donnera « une musique très écrite mais avec beaucoup d’improvisations ».

 

 

Concert évènement : Sun Ra Arkestra !

Mais cette année, en plus des six soirées en Vieille Ville dans la petite Cour de l’Hôtel de Ville qui héberge entre 300 et 400 spectateurs, le jazz voit grand et s’exporte sur les hauteurs du parc La Grange. « C’est la première fois qu’une vraie collaboration se produit entre la scène Jazz et la Scène Ella Fitzgerald », se réjouit Nelson Schaer. La soirée du 14 août promet bel et bien un « concert-événement » avec l’incroyable Sun Ra Arkestra. Ne serait-ce que par la présence sur scène d’une dizaine de musiciens, déguisés, avec cuivres, basse, batterie, des voix aussi. « Les concerts du Sun Ra Arkestra sont toujours une fête », s’emballe Nelson Schaer. Aussi parce qu’Herman Poole Blount, alias Sun Ra, pianiste surdoué, est à lui tout seul une légende du jazz noire-américaine. Son « jazz cosmique » est plus qu’un style de musique, c’est une philosophie, qui tient autant de la mythologie que de la science-fiction. « Sa musique est très libre, très ouverte. Cette année, on fête le centenaire de sa naissance. Il est décédé il y a plus de vingt ans mais son orchestre continue de tourner sur les scènes mondiales. C’est l’un des premiers à avoir osé utiliser le piano amplifié », détaille le programmateur.

 

Sun Ra Arkestra comptera donc parmi les pointures qu’on côtoiera jusqu’au 19 août sur la scène totalement gratuite du parc La Grange dite des « musiques colorées ». Et ce, outre les quatorze trouvailles dénichées par Jakob Graf, son nouveau programmateur qui a soigné sa sélection. De la pop éthiopienne au hip hop brésilien en passant par la cumbia colombienne, le fado, le raï, le reggae, le groove malien, et la soul et le blues étasunien – et encore, l’éventail est lacunaire –, peut-on faire plus éclectique ?

 

 

Si sa première édition l’an dernier résonnait comme un hommage au passé de la Scène Ella Fitzgerald, Jakob Graf a aujourd’hui réduit la voilure côté chanson francophone – représentée cette édition par la Québécoise Lisa Leblanc – particulièrement chère à Roland Le Blévennec, dont il a pris la succession. Jakob Graf avoue avoir mis l’accent sur des têtes d’affiche venues d’ailleurs, qui sont encore méconnues en Europe et à Genève. Un véritable défi qu’il relève, misant sur de vraies découvertes, comme la jeune chanteuse turque Gaye Su Akyol (le 31 juillet).

 

Oreille pointue et exigeante, Jakob Graf a un vrai credo, une éthique même : « Je ne propose pas juste un tour du monde à travers les styles musicaux, mais une variété qui représente des populations, des réseaux d’artistes et des cultures très diverses, en dehors des circuits des grosses maisons ». Voilà cinq ans qu’il travaille avec des Ethiopiens. « Teddy Afro, je l’ai connu comme ça, par des réseaux. Ses musiciens sont éthiopiens, il n’y a pas de maison de prod européenne derrière. » Cette star de la pop acclamée dans son pays chantera le 22 juillet, en amharique. Idem avec Punch Brothers, un grand groupe étasunien dont on a peu entendu parler ici. Ce sont eux qui ont composé la bande-son d’Inside Llewyn Davis, des frères Coen. Dernier concert de l’édition le 19 août et non des moindres, le Brésilien Marcelo D2, vingt ans de carrière et plus d’un million de disques vendus, est l’exemple parfait de l’artiste qui est une grande star dans son pays, comme l’est Teddy Afro en Ethiopie, raconte encore Jakob Graf, pas peu fier du boulot abattu et des échos du métier. En deux mots, « les gens qui les connaissent sont assez stupéfaits de les voir jouer dans un parc à Genève en concerts gratuits ». Qu’on se le dise.

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Musiques en été 2015 du 28 juin au 19 août - Cour de l'Hôtel de Ville, Victoria Hall et Scène Ella Fitzgerald (Parc La Grange) à Genève.
Programme détaillé à découvrir sur leprogramme.ch ou sur le site www.musiquesenete.ch

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