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Du rififi chez les marionnettes

Publié le 19.05.2015

 

« Ce spectacle s’annonce guignolesque et fantasque. »

 

Cette fois ça y est : Guy Jutard tire sa révérence, non sans tirer un véritable feu d’artifice théâtral au sein de la salle qu’il a dirigée pendant treize ans. Avec Rififi rue Rodo, le directeur du Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG) a réuni sa famille artistique, avec notamment Claude-Inga Barbey à la co-écriture du texte, à la co-mise en scène et au jeu. Au programme : une intrigue policière burlesque peuplée de dizaines de personnages, marionnettes ou acteurs. Dans Rififi rue Rodo, manipulateurs et poupées à fils côtoieront objets et spectateurs dans une tourbillonnante déambulation à travers le théâtre, sur fond d’intrigue policière. Le public retrouvera le directeur dans son propre rôle en guise d’au revoir. Et pour couronner ce départ, le TMG publie un livre sur l’histoire du lieu et de la marionnette. Intitulé Passage, cet ouvrage retrace les treize dernières années du théâtre. Entretien avec Guy Jutard, en pleine ébullition créative pour que Rififi rue Rodo soit aux petits oignons.

 

Guy Jutard, depuis combien de temps travaillez-vous sur cette pièce ?

Nous travaillons depuis plus d’une année, entre l’écriture, la déambulation, le fait d’imaginer l’espace… Nous avions comme précédent repère, le spectacle Mademoiselle Niaka, créé en 2004, qui était aussi une déambulation. Là, avec Rififi rue Rodo, qui rassemble acteurs et marionnettes, la jauge de spectateurs est réduite à 60 personnes en tout. Ils seront répartis dans quatre groupes de 15 personnes et se promèneront dans divers lieux du théâtre. Il a fallu penser à un certain nombre de choses… Les répétitions ont commencé en décembre 2014, en petits groupes, et depuis une dizaine de jours, nous avons installé les lieux dans le théâtre pour tester ce qu’on avait imaginé. C’est un travail d’assemblage, comme le font les bons vignerons. Il y a 14 personnes « en scène » et 2 techniciens.

 

Ça représente du monde ! Quand on lit les noms de la distribution pour le jeu (Claude-Inga Barbey, Liviu Berehoï, Olivier Carrel, Nathalie Cuenet, Jacques Douplat, Daniel Hernandez, Doris Ittig, Guy Jutard, Xavier Loira, Pierre Mifsud, Christian Scheidt, Barbara Tobola, Claude Vuillemin et Hélène Zambelli), on dirait que vous avez réuni tous vos amis…

Oui, c’est un spectacle de départ qui s’annonce guignolesque et fantasque. L’idée était de rassembler les personnes avec qui j’ai déjà travaillé, comme Claude-Inga Barbey, avec qui nous avons écrit le texte à quatre mains. Dans le passé, nous avons créé ensemble Madame Carambar ou La Sorcière du placard aux balais, par exemple. Elle a écrit une première bouture de Rififi rue Rodo, puis nous avons travaillé sur une deuxième version. Et j’ai fignolé la version finale pour que ce soit un spectacle de marionnettes avant tout.

 

Car elles sont bien au centre de ce spectacle… Que raconte l’histoire exactement ?

Et bien, lorsque j’arrive au théâtre pour ma prise de service (je joue mon propre rôle), je découvre que tout a été saccagé, les marionnettes ont été clouées, étouffées, sciées en petits morceaux, etc. C’est un vrai carnage. La déambulation commence dans le hall d’entrée, Doris Ittig joue le rôle de mon assistante de longue date, elle explique au public ce qui s’est passé. Puis, trois inspecteurs arrivent, et la déambulation débute. Les spectateurs les accompagnent dans leur enquête et vont assister à une série de petites scènes. A travers différents personnages, il est question du savoir ancestral de la marionnette, de meurtre, de drogue… Et le public atterrira même dans un commissariat, puisque nous sommes au théâtre et que tout est possible. Là, diverses hypothèses seront évoquées dans un véritable théâtre de polichinelle.

 

 

Quel est le propos derrière cette drôle d’intrigue ?

Dans cette forêt de marionnettes à fils, le public découvrira le grand art de la marionnette, il y aura aussi du théâtre d’objets. Ce spectacle montre le savoir particulier que nécessite la marionnette, c’est une réflexion sur la magie, l’illusion de vie qui lui est propre, ce savoir un peu chamanique… Dans cet art, il y a une relation au divin, à la magie. Dans la société actuelle, on essaie parfois de retrouver ça avec les drogues. C’est pourquoi, dans la pièce, les inspecteurs retrouvent des traces de poudre blanche sur les marionnettes. Mais tout ça reste un grand moment de « déconnade », du vrai théâtre burlesque, avec 80 personnages au total…

 

Aviez-vous déjà monté du théâtre policier ?

Non, jamais. Le polar est un genre très inventif. Au début, j’imaginais ce projet situé dans l’univers du conte, l’univers forain… Le spectacle reste un peu dans cet état d’esprit avec un loup, une sorcière, etc. L’assassin déclare d’ailleurs à un moment : « Pourquoi continuer à montrer tout ça aux enfants ? ».

 

Le TMG a également sorti un livre, Passage. Fait-il aussi parti de votre « au revoir » ?

Oui, même si ce n’est pas seulement cela. Le Conseil de fondation s’est rendu compte que ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de publications sur le TMG. Il n’y avait rien eu depuis 1984 ! Nous avons donc réalisé cet ouvrage où j’ai voulu laisser une grande place à la photo. Il y a également différents textes. Il y a par exemple une réflexion sur les figures de héros et d’anti-héros au sein des spectacles de ces treize dernières années, par rapport à l’histoire de la marionnette. Il y a un autre article, plus sociologique, qui pose la question : qu’est-ce qui plaît encore aux contemporains dans la marionnette ? Le livre comporte également un texte sur l’histoire de la maison, qui raconte comment on est passé d’un théâtre de salon au TMG populaire et subventionné d’aujourd’hui.

 

Pourquoi ce livre s’intitule-t-il Passage ?

Parce que j’ai toujours pensé que les gens de scène, nous sommes des passeurs de mots, d’idées, d’images, etc. Et si on veut être lacanien, on peut entendre « pas sage » !

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

Rififi rue Rodo, du 19 mai au 7 juin 2015 au Théâtre des marionnettes de Genève. Spectacle pour adultes et ados. Renseignements au +41.22.807.31.07 ou sur le site du théâtre www.marionnettes.ch

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