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Au Grand Théâtre, Mozart enchante

Publié le 20.12.2015

 


«J’aime faire de Tamino un personnage ancré dans le sol et pas simplement un prince naïf avec une vision éthérée de son aventure.» Stanislas de Barbeyrac n’en est pas à son premier rôle de Tamino, dans lequel il a été particulièrement remarqué au Festival d’Aix-en-Provence l’an passé. Ce personnage semble même bien parti pour devenir le fil rouge de sa carrière. Bardé de nombreux prix, dont une récente Victoire de la musique, le ténor français évoque l’un des rôles majeurs de cet opéra populaire («Singspiel») qu’est La Flûte enchantée, l’une des dernières œuvres commandées à Mozart, en 1791. L’artiste lyrique se produit pour la première fois à Genève, où on le retrouvera aussi plus tard dans la saison du Grand Théâtre. Membre de la Troupe des jeunes solistes en résidence, Amelia Scicolone aime enchaîner les rôles qui mettent son jeu théâtral à l’épreuve. Fils de Guillaume Tell dans le chef-d’œuvre de Rossini en ouverture de saison, elle est Papagena dans une œuvre qu’elle connaît sur le bout des doigts. A la baguette, le jeune chef hongrois Gergely Madaras dirige l’Orchestre de la Suisse romande dans cette production de l’Opéra de Bonn mise en scène par l’Allemand Jürgen Rose. Décryptage.

 

 

Stanislas de Barbeyrac, son nom résonne déjà comme un grand cru français. Le ténor bordelais, 31 ans, regard solide et bleuté, a le vent en poupe. On le rencontre après une journée de répétition. Détendu, affable, il parle volontiers de son jeu. «J’aime faire de Tamino un personnage ancré dans le sol et pas simplement un prince naïf avec une vision éthérée de son aventure.» Stanislas de Barbeyrac n’en est pas à son premier rôle de Tamino, ni à son dernier. Pour sa première venue à Genève, il incarne l’un des principaux protagonistes de La Flûte enchantée sur les planches du Grand Théâtre. Créée il y a une vingtaine d’années par l’Opéra de Bonn, cette version traditionnelle du grand opéra commandé à Mozart en 1791 au soir de sa vie est mise en scène par l’Allemand Jürgen Rose.

 «Tamino, c’est un peu mon cheval de bataille depuis un an et demi et il le sera sans doute encore pendant une petite dizaine d’années. Un rôle très important dans la construction de ma carrière et l’endurance de ma voix, techniquement très sain. J’aimerais le cultiver encore un long moment et faire des essais techniques lors d’autres prises de rôle dans différentes maisons d’opéra où je vais explorer des mises en scène complètement différentes ces prochaines années.» Formé au Conservatoire de Bordeaux, Stanislas de Barbeyrac passe ensuite par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, où il met le pied à l’étrier aux côtés de grands chefs. Depuis, les récompenses s’accumulent et les contrats se précisent. Victoire de la musique en 2014, il est sacré Révélation de l’année un an plus tard. Tamino l’a lancé au Festival d’Aix-en-Provence en 2014. Puis il y a eu l’expérience d’Abou Dabi et de la capitale hongroise avec le Budapest Festival Orchestra sous la direction d’Iván Fishcher. Aujourd’hui, il est l’un des deux ténors qui se partagent le rôle de Tamino sous la baguette du jeune chef hongrois Gergely Madaras. On le retrouvera aussi à Genève en avril dans Le Médecin malgré lui de Gounod mis en scène par Laurent Pelly.

 

Tamino, le courage incarné

Comment le ténor lyrique conçoit-il son personnage? «J’aime qu’on sente dès le début qu’il possède un objectif et une forme de virilité.» Accompagné de l’oiseleur Papageno, le Prince Tamino a pour mission de délivrer Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, des mains du tyran Sarastro. On lui montre une photo de la jeune femme, qu’il ne connaît pas mais dont il tombe vite amoureux. Il rencontre aussi l’officiant, qui évoque les épreuves à traverser. D’où un certain nombre d’obligations à assumer. «Il existe pour Tamino des moments élégiaques vraiment poétiques, qui font aussi partie d’une personnalité virile à mon sens. Mais j’aime qu’il affronte ces épreuves avec son corps et ses racines. C’est important de le faire exister vraiment humainement et de trouver des palettes de couleur dans la musique pour incarner toutes ses facettes.» Le courage, l’émotion, la peur en sont quelques-unes. Tamino grandit à travers les personnages qu’il rencontre sur scène et s’en nourrit. Si la présence de Papageno est presque permanente, Pamina, elle, possède des airs poétiques avec la Reine de la Nuit d’une infinie pureté. Sa mission à lui? Traverser le plateau et l’histoire, avec ou sans sa flûte enchantée.

 

 

Amelia Scicolone: «Si on sait chanter Mozart, on est un bon chanteur»

Notre entretien avec Stanislas de Barbeyrac se termine. A l’heure où sa journée de répétition s’achève, celle de la jeune soprano bâloise d’origine italienne commence. C’est déjà la fin d’après midi et le moment de plancher sur le deuxième acte. Amelia Scicolone incarne Papagena, qui entre en scène à la fin de l’opéra. «C’est un rôle très sympathique que le public apprécie beaucoup. L’air du duo avec Papageno est aussi connu que celui de la Reine de la Nuit». De sa voix vive et cristalline, Amelia Scicolone entonne gaiment les deux face à nous. «Papagena est une prise de rôle, mais je connais très bien cet opéra. J’ai interprété la Reine de la Nuit avec le Berliner Philharmoniker et Pamina dans d’autres productions plus petites. J’en connais tous les mots et tous les dialogues. Je peux vous le chanter du début jusqu’à la fin», dit-elle avec enthousiasme.

 

Troupe des jeunes solistes en résidence

Amelia Scicolone, qui a déjà cinq ou six productions de La Flûte enchantée derrière elle, se réjouit d’entamer celle-ci. «On connaît très bien la musique de Mozart mais La Flûte enchantée permet aussi de découvrir sa philosophie. Mozart y raconte le quotidien de façon magique.» Membre de la Troupe des jeunes solistes en résidence du Grand Théâtre, elle figure au générique de trois autres œuvres pendant l’année: Guillaume Tell de Rossini, Les Troyens de Berlioz sous la direction de Charles Dutoit et Falstaff de Verdi. Elle était Jemmy, le fils de Guillaume Tell, lors d’une très belle ouverture de saison. «Je devais jouer un jeune homme, là je dois interpréter une vieille femme, apparence que prend d’abord Papagena avant de rajeunir. Ça me plaît beaucoup, d’autant que j’ai travaillé le jeu dans le cadre de ma formation très complète au Conservatoire de Bâle pendant sept ans.» Elle se réjouit également de jouer Nanetta dans Falstaff, «un grand rôle où je pourrai montrer mes aigus.» N’avoir ici qu’un petit rôle n’a rien de frustrant, mais l’inconvénient est qu’il ne permet pas de mettre la voix en valeur. «Certains rôles font valoir plutôt la voix, d’autres plutôt la diction, d’autres encore le jeu scénique», raconte Amelia Scicolone, gracieuse et volubile, qui privilégiera donc ici plutôt ces deux derniers aspects. «Il s’agit d’une version très drôle. Avant notre duo avec Papageno, je boxe pour sortir d’un œuf.» Quoi qu’il en soit, on dit que si l’on sait chanter Mozart, on est un bon chanteur, conclue-t-elle. Cette Flûte enchantée-là en est truffée.

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Die Zauberflöte, Grand Théâtre de Genève du 23 décembre 2015 au 8 janvier 2016.

Informations et réservations au +41.(0)22.322.50.50 ou sur le site du Grand Théâtre de Genève www.genevaopera.ch

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