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Rapports humains mis à vif au POCHE /GVE

Publié le 10.01.2018

 

Voiture américaine rejoint l’écurie du Sloop numéro cinq du POCHE /GVE qui comprend déjà Arlette et Moule Robert. Troisième pièce à être présentée dans ce format propre au théâtre de la Vieille-Ville, Voiture américaine vient compléter une rotation entamée en décembre. Un Sloop a pour ambition de présenter plusieurs pièces en alternance avec une seule et même équipe artistique dans le but de les faire dialoguer et d’offrir des perspectives variées au public. Seuls les metteurs en scène et les auteurs changent. Autre constante: nous sommes toujours sur le terrain des écritures contemporaines, chères au POCHE /GVE. Cette fois, ce sont les «machines du réel» qui sont questionnées.

Arlette offre à la vue du spectateur un regard intime dans le subconscient de son héroïne alors que Moule Robert remet en question toutes les certitudes éthiques du sien. Quant à Voiture américaine, elle démultiplie les points de vue avec pas moins de huit personnages, tous coincés dans le même univers post-apocalyptique qui ne laisse à l’humain qu’un impératif: survivre. Dans ce monde, il n’y a plus grand-chose à faire. On cherche de l’essence ou de l’alcool. On ne sort pas de peur de se faire écraser par un taxi, on se marie dans un bar. L’ivresse est une échappatoire, le désintérêt aussi. Ce sont les rapports de pouvoir et de domination qui mènent le jeu et les premières à en pâtir sont les femmes. Les personnages de l’auteure québécoise Catherine Léger sont ciselés à partir de pulsions primaires, ils sont à la recherche de désir et d’extase alors que tout leur manque, alors que chaque interaction n’est qu’une transaction.

Le metteur en scène lausannois Fabrice Gorgerat se charge d’amener cette pièce pour la première fois en Suisse dès le 8 janvier. Rencontre.

 

Voiture américaine présente huit personnages dans un monde où tout n’est que transaction. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la trame?

Ce sont des histoires de couple poussées à l’extrême dans un contexte violent et post-apocalyptique. On ne sait pas trop ce qu’il s’est passé. De par la multitude des personnages, la pièce donne à voir beaucoup de facettes de l’humain dans lesquelles nous pouvons tous nous retrouver. Chacun des personnages a un rapport au monde différent. Cette pièce peut vraiment toucher tout un chacun car nous avons tous un peu de ce côté enfantin par exemple ou tyrannique, soumis, amant, etc. C’est un caléidoscope de nos manières d’être, en tout cas de nos manières de survivre.

C’est un monde très structuré que l’on découvre petit à petit, avec une hiérarchie. Il y a un grand chef un peu patriarche et un fou du roi, en l’occurrence au féminin, par exemple. Chaque personnage a aussi une vie propre à l’intérieur de la pièce, c’est aussi cela qui est intéressant. Ils ont tous un parcours qui fait qu’ils sont attachants, ou pas.

 

On parle d’amour mais aussi de vide…

Le vide est central mais il n’est pas consécutif à l’amour. L’amour peut être une des manières de le combler.

 

 

Cet amour peut-il être sincère dans Voiture américaine ou n’est-il qu’une transaction comme une autre?

C’est une transaction oui, mais une transaction sincère.

 

Votre mise en scène vise la sensation d’un équilibre précaire où tout menace de s’effondrer. Mais quel risque existe-t-il encore pour ces personnages? Le monde peut-il tomber encore plus bas?

Tout pourrait s’arrêter. C’est cela le risque, simplement l’arrêt, le «plus rien». Il y a un moment dans la pièce où on sent que tout menace de se casser la figure. Voiture américaine ne présente que des personnages en manque, le vide est total et la question qui se pose est de trouver comment le combler. Il faut que cela avance, on ne sait pas pourquoi mais il faut avancer pour échapper à l’arrêt et à l’inaction. C’est un peu ce que nous vivons aussi. Dans cette pièce, on se trouve dans une micro-société où tous ont besoin d’amour pour faire exister ce qui les meut.

 

 

Ce Sloop mise sur une scénographie minimaliste, voire inexistante. Comment mettez-vous en scène ce qui est décrit comme une jungle urbaine dévastée?

Je vois cela comme une contrainte positive. C’est-à-dire que j’ai absolument tout retiré. Il n’y a aucune scénographie, tout est question de corps et d’énergie. Le texte est suffisamment fort pour porter cette impression de monde dévasté. J’espère ma mise en scène sobre, précise et efficace.

 

C’est la première adaptation en Suisse du texte de Catherine Léger, vous bénéficiez donc d’une grande liberté…

J’ai une grande liberté de mise en scène oui, mais le texte est très construit donc on ne peut pas faire n’importe quoi. C’est un texte qui donne la patate. On ne parle que de choses noires et d’un monde bancal mais il y a beaucoup d’humour. En tout cas moi, c’est un texte qui me fait rire. C’est de l’humour noir et efficace.

 

Les trois pièces de ce Sloop vont dans le sens d’une remise en question, personnelle chez Arlette, publique dans Moule Robert et sociétale ici. Voiture Américaine est-elle celle qui va le plus loin et le plus franchement dans le dérangeant?

Elles le font toutes à leur manière et ne traitent pas de la même chose. Arlette est un travail plus personnel alors que Moule Robert pose une problématique bien précise, en abordant un prédateur mégalomane. Voiture américaine elle plus dérangeante? Elle parle du vide surtout, celui que l’on a tous.

 

Propos recueillis par Jessica Mondego

 

Arlette, Moule Robert et Voiture américaine sont à voir au POCHE /GVE jusqu’au 28 janvier 2018.

Calendrier des représentations et réservation au +41.22.310.37.59 ou sur le site du théâtre www.poche---gve.ch

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