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HEM: le Maestro de la contrebasse à l’honneur

Publié le 27.02.2018

 

La contrebasse, cet instrument imposant aux sonorités graves qui apporte chaleur et profondeur à une formation sera à l’honneur le dimanche 4 mars au Victoria Hall. Une initiative de la Haute école de musique de Genève – Neuchâtel qui souhaite un Bon anniversaire au Maestro Franco Petracchi, enseignant à la HEM pendant près de trente ans et contrebassiste de renom. Afin de célébrer le travail du Maestro, deux de ses anciens élèves, Mirella Vedeva Ruaux et Alberto Bocini, interpréteront sous sa baguette quatre compositions chères à leur mentor. Ils sont rejoints dans cette entreprise par l’orchestre de la HEM. La soirée s’ouvrira avec une composition du Maestro lui-même, suivie de deux œuvres que lui ont dédiées les prestigieux compositeurs Nino Rota et Armando Trovajoli. Le Maestro clôturera le concert avec une pièce du contrebassiste du XIXe siècle Giovanni Bottesini et sa Passione amorosa.

Franco Petracchi est l’un des contrebassistes les plus influents des XXe et XXIe siècles. En tant qu’enseignant, il s’est attaché à aider ses élèves à atteindre l’extrême clarté interprétative grâce à une méthode forgée par ses soins. Le Maestro italien se réjouit de revoir Genève et nous livre ses impressions sur cet évènement.

 

Ce concert est un hommage à votre travail de musicien, de compositeur et d’enseignant, ce sera une soirée particulière pour vous?

J’ai le plaisir de retourner au Conservatoire de Genève, maintenant appelé Haute école de Musique, où j’ai enseigné durant vingt-huit ans. Là, j’ai enseigné à beaucoup d’élèves dont deux vont jouer à l’occasion de ce concerto sous ma direction. Je ne sais pas s’ils ont bien fait de me choisir comme directeur (rires) mais j’espère faire un bon travail et je suis très heureux de cet évènement. D’autres anciens étudiants seront aussi présents pour participer à diverses masterclass qui auront lieu durant la semaine.

 

Le concert s’ouvrira avec Valse oubliée, un morceau de votre composition.

C’est un hommage à Genève car j’ai composé cette petite valse ici, lors d’une promenade dans le parc des Bastions après un cours au Conservatoire. C’est un divertimente musicale, un morceau qui évoque la nonchalance d’une musique de film. Je me suis inspiré du film Un Américain à Paris dans lequel Gene Kelly et Leslie Caron dansent dans un parc sur une splendide pièce de Gershwin. C’est une atmosphère légère qui rappelle le côté divertissant d’un film. J’ai d’abord écrit cette valse pour un orchestre à cordes. Ensuite, le violoniste Salvatore Accardo m’a demandé d’en faire une version pour violon et je me suis exécuté. La même chose est arrivée avec un violoncelliste et des contrebassistes ont fini par me demander pourquoi j’avais adapté cette pièce pour tout le monde sauf pour eux! Ce que j’ai donc fait. Aujourd’hui, il ne manque plus qu’une adaptation pour cor des alpes!

 

Deux morceaux de la soirée vous ont été dédiés par leur compositeur: Divertimento de Nino Rota et Sconcerto d’Armando Trovajoli…

La pièce de Nino Rota est actuellement le concerto moderne pour contrebasse le plus joué au monde. Nino l’a écrite pour moi quand j’enseignais au Conservatoire de Bari. Il a en fait commencé par composer une petite marche pour mes étudiants, je m’explique. Il se trouve que le bureau de Nino Rota au Conservatoire était juste au-dessus de ma salle de classe et il entendait constamment mes élèves faire leurs gammes. Un jour, il est venu me rendre visite pour me présenter cette pièce afin que mes étudiants l’étudient et fassent leurs gammes dessus de manière agréable pour tous. C’est donc un morceau d’enseignement. Plus tard, il a composé un Aria pour le film Docteur Zhivago mais il a finalement renoncé au projet et, par bonheur, a offert cet Aria à mes contrebassistes. Il s’agit du troisième mouvement du concerto qui monte en puissance alors que le Final est un galop. Chaque mouvement est unique et entre en contraste avec les autres dans ce Divertimento qui est aujourd’hui un classique. J’ai eu la chance de le jouer avec Nino, lui au piano et moi à la contrebasse. Après cela, il m’a composé une pièce par année mais c’était du chantage car il me promettait un morceau seulement si je restais encore une année à Bari (rires)!

Quant à Sconcerto, cette pièce a été écrite par le grand musicien qu’était Armando Trovajoli. Il était très connu pour ses musiques de films et comédies musicales. Le titre vient du fait qu’il m’a dit être très étonné – sconcerto – que je lui demande de m’écrire quelque chose. J’ai aussi pu diriger certaines de ses musiques de film alors qu’il était au piano; c’était un excellent pianiste.

 

 

L’enseignement a pris une grande place dans votre carrière. Est-ce qu’enseigner est aussi gratifiant que jouer pour vous?

L’enseignement est la part la plus importante de ma vie, je crois que j’ai bien mené cette entreprise et j’ai eu de très nombreux étudiants dont beaucoup ont fait et font de brillantes carrières, notamment Mirella Vedeva Ruaux et Alberto Bocini qui joueront sous ma direction. Enseigner est un métier difficile qui nécessite une disposition particulière. Quand j’ai commencé à jouer de la contrebasse, la technique n’était pas moderne, c’était un instrument un peu abandonné. J’ai travaillé dur pour trouver une manière de jouer de la contrebasse de la même manière que l’on joue du violon ou du violoncelle. Il fallait des concepts techniques et des solutions qui permettent à l’étudiant de jouer facilement et de trouver l’interprétation juste des compositions pour contrebasse. J’ai abandonné l’activité de concertiste, pas parce que je jouais mal mais parce que c’était trop compliqué de voyager au bout du monde avec une contrebasse (rires). C’est un travail pour les jeunes! Je joue encore à quelques occasions bien sûr, notamment de la musique de chambre.

 

Vous avez fait de la maîtrise de la contrebasse votre vie. À l’occasion de ce concert, ce n’est pas seulement vous mais cet instrument qui sera mis à l’honneur.

Je crois que c’est la contrebasse qui m’a choisi. Alors que je postulais pour une bourse d’études à Rome, j’ai été repéré par un Maestro qui avait besoin de contrebassistes dans sa classe car j’étais le plus grand de la volée et que mes mains aussi étaient grandes. Il m’a dit que j'obtiendrais une bourse si j’acceptais de jouer de la contrebasse. Je voulais refuser mais mon père m’a convaincu d’accepter. La première année, je n’ai pas aimé ça du tout, mais le destin a choisi pour moi et a pris une bonne décision.

Les raisons de choisir la contrebasse comme instrument de prédilection ont changé. Avant, on commençait cet instrument car on n’était pas assez bon au violoncelle ou au violon. Les directeurs de conservatoires conseillaient alors la contrebasse car c’était un instrument réputé plus facile à maîtriser. Ce n’est pas vrai bien sûr. Depuis cette époque, énormément de choses ont changé et beaucoup de compositeurs modernes et contemporains ont écrit et écrivent encore des pièces pour contrebasses. C’est un instrument qui mérite cet honneur.

 

Propos recueillis par Jessica Mondego

 

Bon Anniversaire Maestro, un concert sous la direction de Franco Petracchi proposé par la Haute école de musique Genève – Neuchâtel au Victoria Hall à Genève, le dimanche 4 mars à 17h.

Avec Mirella Vedeva Ruaux et Alberto Bocini à la contrebasse et l'Orchestre de la HEM.

Au programme:
Franco Petracchi, Valse oubliée, pour orchestre à cordes
Nino Rota, Divertimento concertante, pour contrebasse et orchestre
Armando Trovajoli, Sconcerto, pour contrebasse et orchestre
Giovanni Bottesini, Passione amorosa, pour deux contrebasses et orchestre

Renseignements et réservations à la billetterie de la Ville de Genève au 0800.418.418 ou sur www.ville-ge.ch

 

Bon à savoir: semaine de la contrebasse du 28 février au 3 mars à la HEM. Concerts et masterclass avec Javier Sapina, Christine Hoock et Philipp Stubenrauch. Renseignements www.hemge.ch

 

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