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Alain Carré, ou l’art de dire avec l’OCG

Publié le 02.08.2015

 




Alain Carré sera le récitant dans L’Histoire du Soldat de Ramuz. Une œuvre mise en musique par Stravinski il y a près d’un siècle. Cet amoureux du verbe, pour qui « chaque voyelle a sa couleur », dixit Rimbaud, signe sa première collaboration avec les solistes de l’Orchestre de Chambre de Genève, sous la direction d’Arie van Beek. Le comédien qui se partage sans répit entre la France et la Suisse revient avec nous sur son travail de la voix, son instrument à lui. Il se produira en Vieille Ville les 9 et 10 août prochains dans le cadre des Concerts d’été à Saint-Germain. Portrait.

 

 

Alain Carré est d’abord une voix. Pas au sens lyrique du terme. Mais plutôt comme « un musicien de la langue française » ou « un troubadour du verbe », tel que l’avait qualifié un ami il y a longtemps. « Je n’y avais jamais trop pensé », dit-il. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit. Les 9 et 10 août prochains, il sera le récitant dans l’œuvre de Ramuz mise en musique par Stravinski et créée en Suisse il y a près d’un siècle. « De temps en temps, c’est très agréable d’être le diable, ou la personne qui commande ou encore le soldat, même si je suis objecteur de conscience. Le rôle du théâtre est d’incarner des personnages et d’endosser différents costumes qui ne sont pas les nôtres dans la vie. » Passer de l’esprit du mal au gentil militaire est donc un exercice loin de lui déplaire. C’est un peu « comme chez chacun et chacune », ironise-t-il. Aux côtés des sept solistes de l’Orchestre de Chambre de Genève, Alain Carré donnera corps à tous les personnages à travers son instrument à lui, sans théâtralisation. « C’est cela qui m’excite dans cette aventure. J’ai toujours considéré la voix parlée comme un instrument de musique qui peut servir du théâtre, de la poésie, du roman, de la nouvelle ou toute autre forme », raconte-t-il au bout du fil depuis un troquet quelques heures avant une représentation.

 

Faux immobilisme

L’artiste d’origine belge qui a fréquenté assidûment l’école Mudra de Béjart à Bruxelles avoue s’y retrouver dans le jeu musical et vocal de son propre instrument alors qu’il était fasciné par la danse jusqu’à l’âge de 21 ans, et qu’il l’a beaucoup pratiquée. « Nous avons toujours des discussions épiques avec mon grand ami Omar Porras qui, lui, est dans le mouvement. Moi je suis dans un faux immobilisme. Le travail du corps est un autre type de travail. Ce qui bouge chez moi c’est la voix, où il y a énormément de déplacement. » L’Histoire du Soldat, bien connue de Porras qui l’a portée à la scène encore récemment, offre la possibilité de jouer seul trois ou quatre personnages. Et c’est cela qui est passionnant avec ce soldat suisse en permission pactisant avec le diable, s’enthousiasme Alain Carré.

 

Fusion avec les musiciens

Un enthousiasme qui ne tarit pas chez le comédien dont la réputation n’est plus à faire. « Le problème des récitants lorsqu’on travaille avec de grands orchestres, c’est que le chef s’occupe des musiciens. Il m’est arrivé avec de grands noms comme John Nelson ou Charles Dutoit de n’intervenir qu’à la répétition générale. Tout simplement parce que le texte n’est pas dit sur des parties musicales. Mais ici ce n’est pas le cas. L’intérêt chez Ramuz est précisément de trouver une complicité avec les musiciens, une fusion, pour que ce ne soit pas du collage », poursuit Alain Carré qui a le récit de l’écrivain vaudois bien en main pour l’avoir déjà interprété avec une quarantaine de formations différentes, dont l’Orchestre de Monte Carlo. « Ce qui peut changer en revanche, c’est le rythme. Il y a une harmonie et une entente à trouver avec le chef et le soliste pour ne pas être écrasé par les autres instruments. Je me réjouis de le vivre avec Arie van Beek. »

 

 

Architecturer le son

Si Alain Carré signe ici sa première collaboration avec l’OCG et son directeur artistique et musical en poste depuis 2013, il n’en a pas moins des fidélités très sûres à Genève. Alain Carré avoue se partager beaucoup entre la France et la Suisse même s’il poursuit ses escapades à Marrakech avec Felicity Lott ou n’hésite pas à aller se produire en Guadeloupe. Au bout du lac, on l’a souvent vu avec son ami François-René Duchâble. Tous deux sont animés par leur grande passion du duo. « C’est un peu comme entre un piano et un violon. Cela fera vingt ans en 2016 que nous jouerons ensemble, à un rythme de quarante ou cinquante représentations par an, confie le comédien. François-René m’a considérablement aidé musicalement. C’est quelqu’un qui architecture beaucoup le son », poursuit-il. « Chaque voyelle a sa couleur, comme l’a défini Rimbaud », met ainsi en pratique Alain Carré.

 

Pas de répit

Il y a quelques jours, Alain Carré était en Bresse voisine. Il y côtoyait le répertoire musical de la Renaissance avec un texte rabelaisien, entre deux concerts de musique classique en compagnie de François-René Duchâble. Puis juste avant les deux soirées genevoises à l’Eglise Saint-Germain dans le cadre des Concerts d’été, c’est la version de L’Histoire du Soldat créée par les solistes de l’Orchestre de Monte Carlo en février dernier qu’il reprendra dans un petit théâtre donnant sur la Méditerranée. Il reviendra ensuite à Genève le 20 août sur le thème du fantastique avec Berlioz… et François-René Duchâble. Alain Carré n’a-t-il donc jamais de répit ? Non. « Surtout pas »…

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

L’Histoire du Soldat, les 09 et 10 août 2015, Eglise Saint-Germain à Genève. Découvrez toute la saison des Concerts d’été à Saint-Germain sur leprogramme.ch ou sur le site www.concertstgermain.ch

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