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A comme Anaïs repris au Poche

Publié le 19.03.2015

 

« Deux auteurs qui changent la vie »

 

Au Poche, Françoise Courvoisier reprend A comme Anaïs, spectacle qu’elle a créé fin 2013 avec les deux comédiens Olivia Csiky-Trnka et Frédéric Landenberg. Partant d’un livre que René Gonzalez lui avait offert et annoté, la metteure en scène s’est plongée dans Correspondance passionnée, six cents pages de lettres échangées entre Anaïs Nin (1903-1977) et Henry Miller (1891-1980) sur une vingtaine d’années. La pièce s’intéresse principalement à leur rencontre, à Paris, et aux échanges entre les deux amants de 1932 à 1934. L’écrivain américain est en pleine rédaction de son ouvrage phare Tropique du Cancer. Quant à Anaïs Nin, elle fait petit à petit lire à Henry Miller des extraits de son célèbre journal. L’échange sur scène est troublant, sensuel, amoureux, intellectuel et littéraire, le tout porté par une femme enfant et un écrivain gangster. Entretien avec le comédien Frédéric Landenberg qui interprète Henry Miller.

 

Comment s’est passée la reprise du spectacle à Bienne, avant Le Poche à Genève ?

Ça s’est très bien passé, la salle est encore plus petite que celle du Poche, il y a donc une connotation encore plus intime. Ça nous a permis de bien redémarrer après la longue pause depuis la création. Même si nous gardions cette pièce dans un coin de nos cœurs. C’est un délice de la rejouer, de retrouver les finesses du jeu, la spontanéité…

 

Racontez-nous la rencontre entre Henry Miller et Anaïs Nin ?

C’est l’avocat d’Anaïs Nin, qui écrivait un essai sur D.H. Lawrence – en plein scandale après la publication de son roman L'Amant de Lady Chatterley – qui les a faits se rencontrer. Anaïs Nin et Henry Miller se sont très vite mis à s’écrire, ils avaient une grande attirance l’un envers l’autre et une grande fascination mutuelle pour leur travail. Leur lien est fortement marqué par leurs écrits. Pour la création, nous nous sommes concentrés sur leur correspondance pendant les deux premières années. Ensuite, ils ont continué toute leur vie à s’écrire, même si la relation est devenue moins passionnée au fil du temps.

 

Justement, formellement, comment êtes vous passés de la forme épistolaire à la forme dialoguée ?

Françoise Courvoisier a réalisé l’adaptation au fil des répétitions. Certains passages sont totalement épistolaires, d’autres ont été transformés en dialogues, sans qu’aucun mot ne soit changé par rapport au texte original. On passe comme ça de l’instantané à la lettre. Il y a trois espaces : chez Anaïs Nin, chez Henry Miller et dans un bar, qui représente les lieux publics où ils se voient. C’est un mélange de lettres lues et de passages dialogués. On sait que, dans leurs lettres, ils reparlaient souvent des discussions qu’ils avaient eues. Nous avons lu toute leur correspondance mais on pourrait faire deux pièces avec la totalité de ces écrits ! Il a fallu choisir… Nous nous sommes focalisé sur leur relation à trois, avec June, la femme d’Henry Miller, dont Anaïs Nin était également amoureuse. Ils étaient dans un trio amoureux totalement réciproque, dans tous les sens. Il est aussi beaucoup question d’Hugo, le mari d’Anaïs. A partir de ce choix, la structure du spectacle s’est ficelée au fur et à mesure. C’était un travail d’orfèvre passionnant pour nous tous. Les deux comédiens, nous étions totalement partie prenante. Nous pouvions nous approprier ce que voulait Françoise au fur et à mesure.

 

 

Pour Csiky-Trnka et vous, quel était le challenge principal en tant qu’acteurs, dans l’interprétation de ces rôles ?

La sincérité, je crois. En tant que comédien, on se trouve dans une situation où on ne peut pas truquer. Nous devons respecter l’honnêteté d’Henry et d’Anaïs. Même s’ils vivent une relation adultère, et qu’ils trompent leur mari et leur femme, ils ont tous les deux un désir d’honnêteté. En tant que comédiens, nous devons trouver cette sincérité, cette émotion, nous devons nous mettre à nue pour rendre leur spontanéité.

 

La dimension littéraire est importante dans la pièce. Qu’est ce que le spectateur apprend des auteurs Henry Miller et Anaïs Nin ?

Leurs échanges leur permettent de se découvrir en tant qu’écrivains. Au moment de leur relation, Henry Miller est en train de travailler sur son livre Tropique du Cancer. Il est en train de trouver les dix dernières pages, puis le titre, etc. L’œuvre est beaucoup lié à leur échange. Anaïs Nin est comme un miroir pour lui, elle l’admire beaucoup. De son côté il est fasciné par son journal d’enfance, son journal actuel qu’elle lui laisse lire. Il y a dans leur relation l’aspect physique et l’aspect intellectuel. J’ai lu Tropique du Cancer pendant la création et je me souviens que c’est une réplique de Anaïs qui m’a donné une clé de lecture pour apprécier ce livre. Elle dit « il écrit comme il pense ». C’est ça qui m’a permis d’accéder avec plaisir à ce monologue intérieur écrit par Henry Miller.

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

A comme Anaïs, du 25 au 29 mars au Théâtre Le Poche à Genève. Renseignements et réservations au +41 22 310 37 59 ou sur le site du théâtre www.lepoche.ch

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